Un Disneyland arabo-andalou

Médina Mediterranea, un complexe culturel de rêve, est déjà en partie ouvert au public et devrait être achevé fin 2004. Un pari ambitieux.

Publié le 15 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

Investir 130 millions d’euros pour reconstituer une médina cernée par 3 kilomètres de remparts d’une hauteur de 8 à 20 mètres ! L’idée, audacieuse, est due à l’homme d’affaires tunisien Abdelwaheb Ben Ayed.
Certains de ses collègues parlent de « rêve fou » et font des gorges chaudes de sa rentabilité économique hasardeuse, surtout venant de cet ingénieur agronome devenu entrepreneur modèle et connu pour sa rigueur gestionnaire. Ayant commencé avec une petite unité de production avicole, il a fondé et dirige aujourd’hui Poulina, premier groupe économique privé en Tunisie.
À force de succès en affaires avec des investissements bien ficelés dans l’agroalimentaire, l’industrie (détergents, céramiques), l’informatique, l’immobilier et l’hôtellerie, Ben Ayed, qui va sur ses 70 ans, s’est apparemment lassé de ce culte de la performance économique. Alors, et pour laisser à la postérité une réalisation « culturelle », il a décidé d’investir dans un projet grandiose : faire sortir de terre une médina entière, conviviale et hospitalière, censée représenter l’âme des civilisations tunisienne et méditerranéenne. Pour l’honneur et pour l’ego, confie-t-il.
Cette réalisation, baptisée Médina Mediterranea, est pour lui la concrétisation d’un rêve d’enfance. Les grandes cités de Tunisie ont chacune leur médina traditionnelle. Ben Ayed dit qu’étant enfant il avait tant aimé la Médina de Sfax, sa ville natale, qu’au fil des ans elle l’avait habité, et que « jamais il n’avait cessé de la reconstituer dans sa mémoire, de la reconstruire dans sa vie, de lui redonner sa splendeur, de faire partager ses mille et une saveurs ».
« Sa » Médina, version locale des parcs d’attraction de type Disneyland, a été édifiée par l’architecte Tarak Ben Miled sur une superficie de plus de cinq hectares, dans la station balnéaire de Yasmine Hammamet, à 60 kilomètres au sud de Tunis.
Derrière les remparts, on retrouve une ville-musée somptueuse. Un complexe résidentiel avec ses dars (maisons) et ses fondouks (hôtels) de style arabo-andalou, et ses trois piscines et hammams. Des souks et leurs artisans qui rappellent ceux de Sfax, Tunis, Bagdad, Le Caire ou Marrakech. Des divertissements avec des cafés, dix-sept restaurants thématiques, des commerces, des discothèques et des pianos-bars, une galerie d’exposition, des cybercafés, forums, salles de galas, théâtre, salles de cinéma. Un centre de congrès qui compte parmi les plus importants de Tunisie. Un casino et… un musée des civilisations.
Au sein même de la ville, le parc Carthageland est dédié à la reconstitution de l’histoire méditerranéenne. On y évoque entre autres le périple du navigateur Hanon au Ve siècle avant J.-C., ou les aventures du corsaire ottoman Barberousse au XVIe siècle. L’Afrique subsaharienne n’est pas en reste, avec la reconstitution d’un safari. La fête, dans les ruelles de la Médina, est permanente. Fakirs, clowns et saltimbanques ne manquent pas à l’appel. Les troupes musicales folkloriques ou modernes non plus. Le concept est sans précédent et se veut un hymne à l’ouverture et à la tolérance, symbolisées par la mosquée, la synagogue et l’église édifiées les unes à côté des autres.
Médina Mediterranea, dont certaines zones sont ouvertes au public depuis l’an dernier et dont l’achèvement est prévu pour fin 2004, a déjà commencé à stimuler l’activité de la station Yasmine Hammamet. Celle-ci compte pas moins de 44 hôtels – dont 80 % sont des quatre et cinq étoiles – et environ 2 000 résidences secondaires. Les touristes n’auront plus à y « bronzer idiot ». L’objectif est d’atteindre 4 millions de visiteurs par an, dont au moins 1,5 million des 5 millions de touristes qui visitent la Tunisie chaque année.
Avec la Marina, les deux golfs voisins et le port de plaisance (740 emplacements) qui se veut un point de ralliement des frégates Nord-Sud en Méditerranée, Médina Mediterranea incarne un tourisme new-look qui devrait tirer vers le haut les infrastructures hôtelières et touristiques du pays et… réconcilier tradition et modernité.

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