[Chronique] RDC : Denis Mukwege, un Nobel sous haute protection
Refusant de céder à la terreur imposée par les groupes armés dans l’Est, le médecin congolais est la cible de menaces. Quelques mois après leur retrait, les Casques bleus sont de retour dans sa clinique de Panzi.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 12 septembre 2020 Lecture : 2 minutes.
Il est difficile de placer le curseur de l’héroïsme : tant de prix Nobel de la Paix – récompense pertinente mais pas suffisante – se sont éloignés de leur cause, se sont boursouflés de mondanité ou ont fracassé leur idéalisme sur le mur du réel… En Afrique ou en Asie, l’évolution du positionnement idéologique de certains récipiendaires a même inquiété.
Le docteur congolais Denis Mukwege, lui, ne s’est ni assoupi ni assagi. Le 26 juillet dernier, toujours ancré dans son Kivu natal, le co-lauréat 2018 de la distinction norvégienne dénonçait, sur Twitter, un massacre survenu à Kipupu, en territoire de Mwenga.
https://t.co/0PUWTQX00b #MappingReport #RDC #DRC @UNHumanRights pic.twitter.com/elRssbtxVE
— Denis Mukwege (@DenisMukwege) July 26, 2020
Une déclaration dans la droite ligne de ses prises de position récurrentes contre l’impunité qui accompagne les tueries incessantes dans l’est de la RDC. Dans cet imbroglio de violences, l’indignation du gynécologue relève bien de la persévérance à labourer le sillon du bien.
Messages haineux
Comme de bien entendu, suite à son tweet estival, Denis Mukwege et des membres de sa famille ont reçu des messages haineux truffés de menaces. Des intimidations auxquelles le médecin n’a pas manqué de répondre : « Aucune malversation intellectuelle, aucune menace, aucune utilisation de la peur, ne m’empêchera de m’exprimer sur la réalité des atrocités que vivent les populations de mon pays et dont je soigne les séquelles tous les jours dans mon hôpital à Bukavu ».
À ceux qui pensent que les râleurs des réseaux sociaux ne passent pas à l’acte ou que les stars de la société civile aiment adopter une posture paranoïaque, il convient de rappeler que Mukwege avait échappé, en octobre 2012, à un attentat qui ciblait son domicile. Son gardien avait été tué par des assaillants.
Sous protection de la Monusco
Ce mercredi 9 septembre, les soldats de la paix de la Mission de l’ONU en RDC (Monusco) ont donc fait leur retour à l’hôpital de Panzi. Il y a quelques mois, en pleine pandémie de coronavirus, ils s’étaient retirés du centre de soin. Protéger, c’est le moins –mais aussi le mieux– que puissent faire les Casques bleus, tant l’écheveau congolais est indénouable dans l’Est du pays.
Bien des observateurs soulignent que le régime lui-même n’a pas toujours été un soutien enthousiaste de Mukwege. Il y a cinq ans, accusé de « salir l’image » de l’armée congolaise, le documentaire « L’homme qui répare les femmes : la colère d’Hippocrate » de Thierry Michel et Colette Braeckman était interdit en RDC. Pas plus tard que le 3 septembre dernier, les forces de sécurité ont dispersé un rassemblement de soutien au médecin.
Impuissante à faire taire les armes, la mission onusienne va donc faire ce qu’elle peut : s’interposer entre les milices et le gynécologue, afin que celui-ci n’obtienne pas un nouveau prix, posthume celui-là.
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