Retrouver le lustre d’antan

Les Journées cinématographiques de Carthage tiendront leur vingtième édition du 1 er au 9 octobre à Tunis. Un Festival qui n’a perdu ni en qualité ni en ferveur populaire, mais qui cherche à retrouver sa renommée inter nationale.

Publié le 15 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

Détenant le record de la plus ancienne manifestation cinématographique du Tiers Monde toujours en exercice, les Journées cinématographiques de Carthage (JCC) se sont déroulées tous les deux ans sans interruption depuis leur création par le ministère tunisien de la Culture, en décembre 1966.
Du Sénégalais Sembène Ousmane (Tanit d’or 1966) au Palestinien Michel Khleifi (Tanit d’or 1988) en passant par l’Égyptien Youssef Chahine (Tanit d’or 1970), le Malien Souleymane Cissé (Tanit d’or 1982) et le Tunisien Férid Boughédir (Tanit d’or 1990), tous les grands noms des cinémas africain et arabe ont été d’abord primés par Carthage avant d’être reconnus ailleurs.
Contrairement à d’autres manifestations régionales mi-mondaines, mi-touristiques, sans véritable enjeu cinématographique, les JCC ont d’emblée été un festival militant de la cause cinématographique africaine et arabe.
Ainsi, c’est aux JCC qu’a été créée en 1970 la Fédération panafricaine des cinéastes (Fepaci), et c’est aux JCC qu’ont, depuis, été élaborées les bases de la coopération cinématographique Sud-Sud, qui avait commencé à donner des résultats concrets avant d’être remplacée dans les années 1990 par la coopération Nord-Sud, laquelle rend aujourd’hui les cinémas africains presque totalement dépendants des aides financières du Nord.
Les trois derniers colloques des JCC (« Les cinémas du Sud face à la mondialisation », en 1998 ; « Le financement du cinéma par la télévision », en 2000 ; « La critique cinématographique face aux cinémas africain et arabe », en 2002) n’ont pas démenti la réputation de réservoir à idées de la manifestation.
Cependant, les JCC – tout comme leur manifestation-soeur de Ouagadougou, le Fespaco – ont été victimes de leurs premiers succès : ayant réussi à faire connaître les nouveaux cinéastes auprès des festivals occidentaux, ils voient désormais ces derniers leur « voler » la première projection mondiale des meilleurs films issus du continent. La majorité des films importants étant ainsi révélée ailleurs, les journalistes étrangers ne viennent donc plus « découvrir » à Carthage que… l’extraordinaire adhésion du public local, qui demeure l’autre grande réussite du festival.
Tous les deux ans, de véritables marées humaines emplissent le centre-ville, lui donnant une animation inégalée. Si bien que les JCC, grâce à leur très bonne programmation et au sérieux de leur organisation, sont aujourd’hui devenues un excellent cinéclub géant qui a un grand écho local… mais presque plus d’écho à l’international.
Louablement organisé par les fonctionnaires du ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Loisirs en plus de leurs activités habituelles, le festival peine, malgré la qualité de sa programmation, à inclure l’aspect business et l’aspect paillettes, pour réaliser cette trilogie qui assure une véritable audience au niveau mondial.
En coulisse, on indique que le ministère pourrait confier la supervision générale du festival à un producteur tunisien d’envergure internationale, Tarak Ben Ammar. Les JCC, à l’instar du Festival de Cannes, mettraient sur pied – sous la présidence d’honneur du ministre de la Culture qui subventionnerait et encadrerait la manifestation -, une association autonome permanente de professionnels de l’événementiel et de l’accueil, qui redonnerait à la Tunisie le festival d’envergure internationale qu’elle mérite…
En effet, Tarak Ben Ammar, après avoir racheté les plus grandes unités françaises de postproduction, a déjà entrepris, sur le sol tunisien, de moderniser le célèbre complexe cinématographique de Gammarth, et a créé un studio géant à Hammamet, pour faire revenir les grands tournages internationaux qui avaient, depuis Le Patient anglais en 1995, déserté la Tunisie au profit de pays voisins.
Les JCC seraient alors intégrées à une stratégie globale de développement du cinéma au niveau national et régional. Si ce choix se confirmait, dès 2004 ou plus tard, les JCC pourraient devenir ce que la proximité de la Tunisie avec l’Europe et sa tradition de lieu de dialogue les prédestinent à être : une plaque tournante de la coopération cinématographique Nord-Sud et Sud-Sud, retrouvant et dépassant ainsi leur lustre d’antan.

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