Pourquoi le Zimbabwe tient encore debout

Publié le 15 mars 2004 Lecture : 2 minutes.

Le président Robert Mugabe ne semble pas décidé à répondre aux pressions intérieures et extérieures qui le poussent vers la sortie, après vingt-quatre ans de règne. En dépit des sanctions de plus en plus lourdes imposées par les États-Unis, l’Union européenne et l’Australie, il écarte toute perspective de compromis avec les opposants du Mouvement pour le changement démocratique (MDC).
Dans ce climat de plus en plus tendu, le Zimbabwe semble au bord du gouffre. La situation économique est absolument catastrophique. Avec une inflation à 700 %, un taux de change sur le marché noir cent fois supérieur au taux officiel de 55 dollars zimbabwéens pour 1 dollar américain, sans oublier la récurrente pénurie de nourriture, le Zimbabwéen moyen est aujourd’hui beaucoup moins bien loti qu’il y a trois ans, quand a commencé l’expropriation des fermiers blancs. Pourquoi ces trois années très difficiles n’ont-elles pas provoqué la faillite du système ? Pourquoi le peuple, pourtant affamé et en colère, ne s’est-il pas révolté ?

Il y a trois explications. D’abord, les Zimbabwéens sont des acteurs politiques passifs. Les traumatismes de la guerre de libération et les purges qui se sont ensuivies contre la minorité matabele ont contraint le MDC à adopter une stratégie non violente et démocratique. En outre, la brutalité des forces de sécurité rend improbable un éventuel soulèvement, d’autant que, en dépit des sanctions, il n’y a guère eu d’implication extérieure pour soutenir les opposants. Enfin, l’économie du pays s’est transformée en un système politisé et féodal, organisé selon la méthode de la carotte et du bâton. Un système qui, cependant, fonctionne pour une élite de plus en plus réduite.
Que les 99 % des 13 millions de Zimbabwéens puissent en souffrir n’a aucune espèce d’importance pour ces rares privilégiés. Malgré, ou peut-être grâce à la faillite économique, ils amassent beaucoup d’argent, de différentes manières. D’abord par la pratique du clientélisme, y compris dans la redistribution des terres saisies, et le prêt d’argent à un taux préférentiel de 15 % – alors que le taux du marché est cinquante fois supérieur.

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Par ailleurs, la déconfiture du système étatique d’approvisionnement en carburant favorise les importateurs, qui peuvent doubler un investissement de 10 000 dollars avec un seul chargement. À cela s’ajoute l’existence de trois taux de change – le taux officiel, le taux à l’exportation (824 dollars zimbabwéens pour 1 dollar), et le taux du marché noir – véritable catalyseur de fraude. Le Zimbabwe reste ainsi le deuxième marché d’Afrique pour les Mercedes, après l’Afrique du Sud, et la Banque centrale réalise d’énormes profits ! Enfin, les fonds de pension de l’État, les entreprises publiques et les autres monopoles offrent différentes opportunités à ceux qui disposent de bonnes accointances politiques…
Le Zimbabwe de Mugabe – comme la Rhodésie de Ian Smith – se porte bien, merci, mais pour un petit nombre. Plus cette situation durera, plus il sera difficile de retourner à la normalité économique.

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