Philosophe chanteuse
Les percussions du groupe guinéen Boté accompagnent la voix de Touria Hadraoui. Magique.
Publié le 15 mars 2004 Lecture : 1 minute.
A l’âge de 8 ans, Touria Hadraoui rêvait de devenir Oum Kalsoum. Il lui arrivait de fredonner Al Atlal dans les ruelles du quartier de son enfance, à Casablanca. Une fois son bac en poche, elle s’est intéressée aux philosophes arabes de l’âge d’or islamique et a milité à l’Union nationale des étudiants marocains. À l’époque, elle chantait les textes d’un poète inconnu, aujourd’hui illustre, qui allait devenir son mari : Abdellah Zrika.
Touria a commencé par enseigner la philosophie, avant de devenir, en 1986, journaliste à Kalima, une revue audacieuse qui s’attaquait à des thèmes alors tabous, comme la prostitution, les petites bonnes, etc. Mais la censure a mis un terme à la vie de cette publication en moins de trois ans. Une défaite pour la liberté d’expression, une aubaine pour Touria Hadraoui, qui renoue à cette occasion avec son premier amour : le chant. L’ancienne professeur de philosophie retrouve le chemin du conservatoire où elle rencontre Hadj Benmoussa. Ce maître lui fait découvrir un répertoire musical jusqu’alors réservé aux hommes : le malhoun. Né au IXe siècle dans les oasis du sud du Maroc, ce genre a prospéré dans les cités impériales (Fès, Marrakech, Meknès). Ses textes chantent l’amour, le désir et autres transports de l’âme. Pendant trois ans, Touria se consacre tout entière au malhoun. Son premier album sort en 1991. Les inflexions de sa voix ? pour l’écrivain français J.-M.G. Le Clézio, elles évoquent des « accents de violoncelle ».
Depuis, Touria Hadraoui ne cesse d’élargir sa palette. Elle s’est essayée au chant soufi et aux mélodies arabo-andalouses. En 1998, elle a publié ses mémoires, Une enfance marocaine (éditions Le Fennec) et elle prépare actuellement un second livre. En octobre dernier, la cantatrice s’est envolée pour Conakry. De cet imprévisible voyage, elle a ramené de délicates Arabesques sur rythmes africains, titre de son dernier album. Un petit objet miraculeux né du magique mélange de sa voix et des percussions du groupe guinéen Boté. On a hâte de les voir sur scène !
