Nicolas II, le dernier tsar de Russie, abdique
Il est près de 23 heures en ce 15 mars 1917, lorsque Goutchkof et Choulguine, les deux envoyés du gouvernement provisoire, retrouvent le tsar Nicolas II dans son quartier général de Pskov. Ils viennent lui proposer d’abdiquer en faveur de son fils Alexeï, âgé d’une dizaine d’années. Le tsar sait qu’il doit accepter cette terrible proposition. Il ne peut en être autrement.
La Russie de 1917 est alors un pays de 126 millions d’habitants qui compte déjà 22 millions d’ouvriers. En pleine Grande Guerre, l’État traverse une période très dure. L’économie est paralysée par les mobilisations successives de corps armés, les transports sont désorganisés, les villes acculées à la disette par des récoltes médiocres. Absorbé par les tâches militaires, le tsar a laissé le gouvernement aux mains d’incompétents. Le prince Galitzine, Premier ministre, est un vieil homme qui n’a plus toute sa tête. Protopopov, le ministre de l’Intérieur, est une ancienne marionnette de Raspoutine qui se prétend en liaison constante avec le défunt. Pendant ce temps, les revers militaires s’accumulent. Nicolas II, en proie à un profond désarroi, se retranche dans son quartier général de Pskov. Il est comme hébété et tellement transformé physiquement qu’on le soupçonne de se droguer.
L’agitation populaire s’est répandue à travers Petrograd dès le 8 mars. Des cortèges scandant « Nous voulons du pain ! » se forment en ville. Le 10, c’est la grève générale. Le 12, l’annonce de la suspension de la Douma – une assemblée élue, créée en 1905 par Nicolas II -, met le feu aux poudres et, régiment après régiment, la garnison de Petrograd rejoint les rangs de ce qui est en train de devenir une révolution. Un soviet des députés ouvriers de Petrograd se constitue et s’associe à la Douma pour constituer un gouvernement provisoire. L’épouse de Nicolas II, la tsarine Alexandra, restée à Petrograd, lui envoie des télégrammes alarmants : « Beaucoup de troupes sont passées de l’autre côté. » Le 13 mars, le tsar décide de se rendre dans la ville en émeute. Il ne se doute pas que les troupes du secteur ont fait défection et que la voie ferrée est aux mains des insurgés. Le train bleu impérial est rapidement immobilisé. Nicolas II est effondré, lui habituellement impassible, pleure : « Si le peuple le veut, j’abdiquerai », dit-il.
Aussi, c’est sans surprise qu’il prendra connaissance, deux jours plus tard, du discours de Goutchkof et Choulguine. Lorsqu’il prend la parole, la maîtrise dont il fait preuve frappe ses interlocuteurs : « J’ai décidé d’abdiquer. Jusqu’à 3 heures aujourd’hui, j’étais prêt à le faire en faveur de mon fils, mais je serai incapable de me séparer de lui… C’est pourquoi j’ai décidé d’abdiquer en faveur de mon frère. » Puis, d’une main qui ne tremble pas, le dernier tsar de toutes les Russies signe la lettre d’abdication que lui tend Choulguine. « J’éprouvais une immense pitié pour cet homme qui venait de racheter, d’un geste, ses fautes passées », devait raconter par la suite ce dernier.
Il est minuit. Le règne des Romanov, commencé en 1613, s’achève. « Tout, autour de moi, n’est que trahison, lâcheté et fourberie ». C’est un homme désillusionné qui écrit ces mots dans son journal, à l’heure où tout un peuple se soulève. Rien ne se passera comme il le pense. La Révolution d’octobre va entraîner, avec l’apparition du communisme, un bouleversement de la situation politique mondiale. Son frère, le grand-duc Michel, renoncera immédiatement au trône cependant qu’à Zurich un certain Lénine prenant connaissance de la liste des membres du gouvernement provisoire ricanera : « La bourgeoisie a réussi à poser son cul sur les sièges ministériels. » Pour lui, l’aventure commence ; pour Nicolas II, elle se termine. En résidence surveillée avec sa famille, il sera exécuté avec les siens dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918 à Iekaterinbourg par des bolcheviks lettons.
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