Kéba M’baye
Ancien président de la Cour suprême du Sénégal
Il y a, derrière la silhouette robuste de ce vieil homme, quelque chose comme un avis de tempête permanent. À 80 ans en août prochain, Kéba M’baye refuse de goûter un repos bien mérité, après une carrière longue de plus de cinquante ans.
Le plus célèbre magistrat du Sénégal, qui fut président de la Cour suprême de son pays, puis vice-président de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, est, aujourd’hui encore, associé aux plus prestigieux colloques et clubs scientifiques sur les questions de justice, de démocratie et de droits de l’homme. Il participe à nombre d’ouvrages collectifs, tel celui (en cours de réédition) qui présente le commentaire, article par article, de la Charte des Nations unies par les plus grands noms du droit international contemporain.
L’ancien juge fait de l’arbitrage commercial international. Derniers litiges tranchés : celui opposant la France à l’Unesco sur l’immunité fiscale des anciens fonctionnaires de l’organisation installés dans l’Hexagone ; celui mettant aux prises Air France et la Libyan Airlines. Il intervient également dans les différends entre États. Il a ainsi siégé comme juge ad hoc, pour le compte du Cameroun, dans le conflit qui a opposé ce dernier au Nigeria autour de la presqu’île de Bakassi, et qui a été tranché par la CIJ, le 10 octobre 2002. « J’officie pour les Etats qui gagnent », plaisante-t-il aujourd’hui.
Mais l’octogénaire pense, quelquefois, à se ménager. Ainsi a-t-il récemment décliné deux sollicitations dans des affaires pendantes à La Haye : celle de la Guinée, dans une affaire de protection de son ressortissant Alpha Amadou Diallo contre la RD Congo, et celle du Bénin dans le cadre du différend frontalier qui l’oppose au Niger.
M’baye n’a tout bonnement plus de place dans son agenda plus que rempli. Lui qui, membre honoraire du Comité international olympique, préside la commission d’éthique de cette organisation, dans laquelle siègent des personnalités comme le renommé juriste Robert Badinter et l’ancien secrétaire général des Nations unies, Javier Pérez de Cuéllar.
Infatigable, il dirige également le Tribunal arbitral du sport (TAS), de compétence internationale, qui statue sur les différends relatifs à l’application des règlements sportifs. Il s’est, à ce titre, rendu début mars à Lausanne, siège de la juridiction, suite au recours du footballeur d’Auxerre, Djibril Cissé, suspendu après un incident intervenu au cours d’un match au Portugal.
Mais l’activité la plus importante aux yeux du juge semble être son engagement dans l’Association pour l’unification du droit en Afrique (Unida) qu’il a créée en 1998. « Une façon d’accompagner l’Ohada », l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, dont il a dirigé, de 1992 à 1997, la rédaction de tous les textes. Dernier chantier de l’Unida : harmoniser le droit du travail en Afrique, par la rédaction d’un code commun. M’baye a adressé, pour ce faire, début février, au secrétaire général de la Francophonie Abdou Diouf un courrier sollicitant son appui. Comment fait ce « vieux-jeune homme » pour être présent sur tous ces fronts ? La recette est simple : il utilise de façon optimale tout son temps. « Je me lève tous les jours à 5 h 30 pour faire mes prières, confie-t-il. Je suis musulman pratiquant de confession tidiane ayant comme guide spirituel feu Serigne Abdoul Aziz Sy. À 7 h 30, je suis à mon bureau. Si je n’ai rien de spécial à faire, j’écris sur un sujet que je crée. » Cette boulimie de travail n’est pas près de s’émousser. M’baye croule sous les projets, dont celui d’éditer avec des commentaires tous les discours – rassemblés par l’actuel ministre sénégalais des Sports, le magistrat Youssou N’diaye – qu’il a prononcés lorsqu’il présidait la Cour suprême de son pays, de 1964 à 1982.
Mais, quand on l’interroge, il nie tout, gêné : « Mon seul véritable projet, c’est d’aller habiter à Somone, sur la Petite Côte sénégalaise, où j’ai une maison, et y aménager un terrain de golf. J’adore ce sport, que je pratique chaque fois que je me trouve à Dakar, sur le parcours d’un grand hôtel de la place. »
Pour l’heure, le juge est entre deux avions, sur les lignes reliant le Sénégal, la France, la Suisse, les Pays-Bas, les États-Unis… À Paris, sa « deuxième base après Dakar », il « aime à échanger », dans le salon Louis XVI de son appartement de l’avenue Mozart, dans le huppé 16e arrondissement, avec divers intellectuels et hôtes de marque. Parmi les derniers à y être passés, fin février, Alpha Oumar Konaré, président de la commission de l’Union africaine.
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