De la fuite des cerveaux africains

Publié le 16 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

Le thème de la fuite des cerveaux européens aux États-Unis a souvent été traité par les médias. On connaît les raisons qui ont poussé et continuent à pousser des hommes et des femmes à s’exiler aux États-Unis. On parle moins, cependant, de l’élite africaine installée en Europe et de l’impact de ce phénomène pour le continent.
Quelles sont les raisons qui incitent ces diplômés de grandes écoles, ces managers à rester en Europe ou aux États-Unis après leurs études ?
Tout d’abord, ces Africains formés en Europe représentent un atout indéniable pour des multinationales désireuses de travailler sur le marché africain et international. Ces cadres peuvent donc être sollicités par d’importantes entreprises pour des postes parfois à haute responsabilité. Rares sont les jeunes qui échappent à la tentation d’accepter un emploi motivant et bien rémunéré à un moment où leur pays ne leur offre aucun poste à la hauteur de leur ambition, sans parler de ceux qui ne trouvent pas d’emploi du tout. Ces cadres souffrent souvent d’un manque de reconnaissance de leurs capacités dans leur pays d’origine. Si les postes clés en Afrique étaient confiés à des personnes compétentes, cela encouragerait une bonne partie de l’élite à réintégrer son pays d’origine.
À côté de ces raisons économiques, il y a aussi ceux qui, après un long séjour à l’étranger, voient leur pays sous un autre jour et craignent de ne pouvoir se réintégrer, car leur mentalité a changé. Un fossé s’est creusé entre eux et leurs compatriotes, dont ils ont parfois du mal à accepter certains aspects. C’est un choc culturel « à l’envers ».
Et pourtant, l’Afrique aurait bien besoin de cette main-d’uvre qualifiée, de cette graine de dirigeants. Les compétences de cette élite intellectuelle sont nécessaires au développement des pays africains et l’exil des têtes pensantes représente sans aucun doute pour eux une perte importante. Lorsqu’ils travaillent au sein d’entreprises étrangères, les cadres africains contribuent la plupart du temps à l’enrichissement de leur pays d’accueil pendant que leur pays peine à s’en sortir.
Il faut, cependant, relativiser ce phénomène de « fuite des cerveaux ». L’attachement à la culture d’origine, l’envie de vivre parmi les siens, l’appel des racines, la volonté de participer au développement de son pays font que beaucoup finissent par revenir chez eux. Forts de leur expérience en Occident, ils prennent le chemin du retour avec l’énergie
de construire quelque chose de nouveau, avec l’espoir de faire bouger les choses.
Plusieurs chefs d’État africains encouragent leurs compatriotes dans ce sens, à commencer par le président sénégalais, Abdoulaye Wade, qui, au lendemain de son arrivée au pouvoir, a appelé tous les expatriés à venir participer à la construction de leur pays. Ils ont compris l’importance de cette participation au développement et la nécessité de favoriser
leur retour.
D’autres se contentent seulement de critiquer leurs expatriés au lieu de se pencher sur les vraies raisons de leur exode et de prendre les mesures nécessaires pour les enrayer.
J’invite de tout mon cur tous les chefs d’État, ceux qui arrivent nouvellement au pouvoir et ceux qui sont réélus, à encourager par tous les moyens le retour des élites africaines. Une politique à long terme permettra d’associer davantage encore les jeunes, sur place et à l’étranger, à la destinée de leur pays. L’ensemble du continent africain tirera ainsi un meilleur profit de ses immenses potentialités et pourrait, enfin, revendiquer la place qu’il mérite dans le concert des nations.

* Ingénieur mauritanien en construction mécanique, expatrié en Allemagne où il s’occupe depuis janvier 2003 de la direction des projets d’engineering et d’infrastructures
électriques pour le marché africain, à la Cegelec, Francfort. Diplômé de l’université Gerhard-Mercator (Duisburg) et de l’école d’ingénieurs REFA (Darmstadt), il a travaillé auparavant pour le groupe suédois ABB (1997-2002), notamment sur les projets de centrales électriques à Al-Wahda, non loin de Fès, et à Jorf-Lasfar, à 80 km de Casablanca, au Maroc.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires