Noureddine Ould Ali, l’enfant de Bab el-Oued qui fait avancer le foot palestinien
Le sélectionneur algérien de la Palestine évoque pour « Jeune Afrique » sa mission et les innombrables difficultés auxquelles il doit faire face.
Cela fera bientôt huit mois que Noureddine Ould Ali n’a plus revu ses joueurs. Plus précisément depuis un tournoi international remporté début janvier au Bangladesh. Depuis, pour cause de Covid-19, la Palestine n’a plus disputé le moindre match, puisque tous ceux prévus dans le cadre des qualifications pour la Coupe du Monde 2022 au Qatar ont été reporté à l’année prochaine, au mieux.
Le sélectionneur des Cavaliers, qui réside en France, espère pouvoir retourner dans les prochaines semaines à Ramallah, puisque la saison 2020-2021 doit en principe débuter durant les premiers jours d’octobre. Il sait aussi que lorsqu’il se présentera à la frontière jordano-palestinienne, il devra sans doute patienter de longues heures, pour satisfaire aux questions de l’armée israélienne.
Cela le ramènera quelques années en arrière, et plus précisément à 2010, quand il lui est proposé de devenir l’adjoint de son compatriote Moussa Bezaz, alors sélectionneur de la Palestine.
« Quand je suis arrivé, j’ai été véritablement placé en garde à vue pendant huit heures par les autorités israéliennes. On m’a interrogé, posé des tas de questions… J’avais quelques appréhensions avant d’accepter, même si j’ai accepté au bout de cinq minutes de réflexion. J’ai tout de suite compris où j’étais après cette première épreuve. Mais cela ne m’avait pas découragé. Je n’ai pas pensé une seule minute faire marche arrière. Car il y avait, outre l’accueil très chaleureux des Palestiniens, la volonté de la fédération de faire progresser le football local », explique Ould Ali.
Professionnaliser le foot
Au cœur du projet, le président de la fédération depuis 2009 Jibril Rajoub, aujourd’hui âgé de 67 ans, l’ancien responsable des forces de sécurités palestiniennes, membre du Fatah et qui fut proche de Yasser Arafat. « Il y avait une volonté de professionnaliser le foot, et de faire progresser la sélection », se souvient Ould Ali.
En 2012, Ould Ali suit Bezaz au Bahreïn, puis repasse par Alger, sa ville natale – il a vu le jour dans le quartier de Bab el-Oued – pour coacher l’USMA, passe par la région marseillaise, à Bel Air. En 2015, la fédération palestinienne le rappelle pour devenir l’adjoint de Abdel Nasser Barakat pendant deux ans, puis du Bolivien Julio Cesar Baldivieso.
On doit gérer l’imprévu et apprendre à devoir se passer de joueurs car ils sont bloqués à la frontière
« Etre sélectionneur de la Palestine, c’est une expérience formidable, mais forcément différente. Le pays vit sous occupation. Cela rend beaucoup de choses évidemment compliquées. » La sélection est composée d’environ 60 % de joueurs locaux. Parmi eux, certains ont vécu ou vivent des événements personnels traumatisants, et « expriment parfois le besoin d’en parler. C’est pour cela que le management de cette équipe est particulier. On doit gérer l’imprévu, on doit apprendre à devoir se passer de joueurs car ils sont bloqués à la frontière. Je fais toujours une liste élargie… », poursuit Ould Ali.
Régulièrement, les contrôles imposés par Israël privent les joueurs palestiniens de déplacement à l’étranger, ou empêchent ceux qui se sont expatriés de rentrer en Palestine. Plusieurs joueurs de la sélection évoluent en Europe (Allemagne, Espagne, Suède, Suisse), en Amérique du Sud ou en Asie. Et il n’est pas rare qu’ils rencontrent des difficultés pour rejoindre leur sélection quand elle joue à domicile.
« Ils doivent subir des interrogatoires qui durent des heures, et se retrouvent parfois sous le coup d’interdictions de venir en Palestine, alors qu’ils ont fait des heures d’avion pour disputer un match », se désole Ould Ali.
Contrôles, restrictions, humiliations…
Le cas des joueurs évoluant dans la bande de Gaza est encore plus complexe. Ould Ali n’a jamais reçu l’autorisation de s’y rendre, et il lui est quasiment impossible de sélectionner un Gazaoui : « Seuls ceux qui sont originaires de Gaza et qui jouent en Cisjordanie peuvent espérer intégrer la sélection. Mais il arrive que certains d’entre eux repartent à Gaza pour des raisons familiales, et mettent des jours, voir des semaines pour revenir en Cisjordanie », explique le sélectionneur.
En tant qu’étranger, le technicien algérien, qui a qualifié son équipe pour la Coupe d’Asie 2019 et n’a pas perdu tout espoir d’accéder au dernier tour des éliminatoires de la Coupe du Monde 2022, s’efforce de ne pas se mêler de politique.
Il explique : « Je ne suis pas là pour ça. Mais tout est politique. Je constate que ce que vivent les Palestiniens est très compliqué. Depuis des années, je passe du temps en Palestine, pour les matchs de la sélection, pour suivre le championnat. Les contrôles, les restrictions de déplacement, les humiliations, tout cela, j’ai pu le voir. J’ai accepté de venir travailler en Palestine malgré toutes les difficultés, et je ne le regrette pas. C’est une expérience parfois usante, mais passionnante… »
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