[Chronique] RDC : sexisme et clichés au programme de la rentrée politique
En pleine rentrée politique, la kabiliste Jeanine Mabunda, présidente de l’Assemblée nationale, a été la cible de propos sexistes tenus par un présumé tshisekediste.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 16 septembre 2020 Lecture : 2 minutes.
« Madame Jeanine doit nous prouver qu’elle est réellement de la province de l’Équateur. Peut-on se déclarer ressortissante de l’Équateur et être mince et élancée comme la sœur de Paul Kagame ? » Ces propos traduits du lingala sont tenus, dans une vidéo virale, par un homme qui ajoute, en désignant son propre postérieur : « Les Congolais ne sont pas filiformes, moi-même je suis mince mais j’ai de la chair derrière. »
En cette période de rentrée politique en RDC, les argumentations politiques volent donc au ras des pâquerettes. Car il s’agit bien d’un propos politique : la « madame Jeanine » dont il est question n’est pas une starlette de ndombolo, mais Jeanine Mabunda, la présidente de l’Assemblée nationale.
Cette potacherie aurait pu passer inaperçue, au regard de l’absence de légitimité du fessu, voire être classée au rang du second degré. Mais la présidente de l’Assemblée a tenu à réagir, boursouflant davantage la bulle virale.
C’est que la blague n’est pas anodine, pour au moins trois raisons. Primo, Jeanine Mabunda a tenu à dénoncer, lundi, le caractère sexiste de ce qu’elle qualifie d’« insulte », se déclarant atteinte dans sa « dignité de femme ». Et ses proches de prendre le relais, comme le coordonnateur du Front commun pour le Congo (FCC), Néhémie Mwilanya Wilondja, qui réclame « réparation » pour cette atteinte « d’une violence rare […] à l’humanité même de la femme ».
Tentative de déstabilisation
Secundo, le propos désobligeant peut être lu sous le prisme du bras de fer que se livrent les deux composantes principales de la coalition au pouvoir. Si Jeanine Mabunda dénonce une tentative de déstabilisation de l’institution qu’elle préside, c’est qu’elle est une fidèle de l’ancien président, Joseph Kabila, et que l’impudent de la vidéo se revendique du parti de Félix Tshisekedi. La vidéo a d’ailleurs été tournée devant le siège de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) à Kinshasa.
Depuis quelques mois, ce n’est qu’une paix des braves de façade qu’entretiennent l’ancien et l’actuel chef de l’État. Pour sauver la face après l’attaque sur la physionomie de la présidente de l’Assemblée, l’ambassadeur itinérant du président Félix Tshisekedi, Nicolas Kazadi, a dû dénoncer des « injures publiques et gratuites » qui constituent un « dérapage inutile » dans le « combat politique ».
Comme cela a été fait de manière tout à fait EXEMPLAIRE dans les affaires Kingabwa et Kasumbalesa, j'appelle à une réaction sans équivoque face aux injures publiques et gratuites proférées contre une personnalité politique. Restons dans le combat politique, sans dérapage inutile.
— Nicolas Kazadi (@nskazadi) September 13, 2020
La troisième raison pour laquelle la saillie contre Mabunda n’est pas anodine, c’est le recours récurrent, dans le débat politique, à la mise en doute de la « congolitude » de tel ou tel responsable, notamment des caciques du clan Kabila. L’ancien chef d’État lui-même avait été la cible de rumeurs lui attribuant des origines rwandaises.
Entre vulgarité militante, sexisme ordinaire et cris d’orfraie, la politique congolaise a encore du chemin à parcourir avant l’apaisement. Mais, pour l’heure, buvant du petit lait, les opposants rient certainement sous cape…
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