Un projet (timidement) contesté

L’opposition peine à se mobiliser face au président.

Publié le 14 janvier 2008 Lecture : 3 minutes.

Atomisée par les ambitions personnelles et affaiblie par le désintérêt croissant des populations à l’égard de la politique, l’opposition ne semble pas en mesure de contrarier un projet présidentiel qu’elle considère pourtant comme une manuvre visant à assurer le maintien au pouvoir du chef de l’État après 2011. Après l’annonce impromptue du 31 décembre, les leaders se sont néanmoins lancés dans les arguties juridiques pour le dénoncer.
Adamou Ndam Njoya, de l’Union démocratique du Cameroun (UDC), souhaite ainsi une « refonte générale » de la Constitution pour changer d’autres dispositions du texte adopté le 16 janvier 1996, comme l’introduction du scrutin à deux tours. Jean Jacques Ekindi (Mouvement progressiste – MP), y est également favorable, mais à la condition formelle que son adoption passe par un référendum. Ces propositions sont rejetées par ceux qui s’opposent à l’idée même de toucher à la Loi fondamentale. À l’image de Mila Assouté, ancien député du courant « moderniste » du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) en exil en France, qui ne « comprend pas qu’on en soit à modifier un texte qui n’a jamais été entièrement appliqué ». « Alors que nous attendons toujours la mise en place du Sénat et la mise en uvre de la décentralisation, dénonce-t-il, le texte est déjà modifié, sans qu’aucune évaluation n’ait été faite. » À l’entendre, pour avoir lui-même inscrit la limitation des mandats dans la Constitution, Paul Biya « ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » en estimant qu’elle est désormais devenue un « obstacle antidémocratique ».
« La retraite n’existe pas que pour les ouvriers », persifle pour sa part Garga Haman Adji, de l’Alliance pour la démocratie et le développement (ADD). « Je souhaite que le président Biya réfléchisse aux conséquences dramatiques que cette initiative malencontreuse pourrait occasionner », poursuit-il.
Quelques têtes dures sont allées plus loin que la mêlée. Anicet Ekane, de l’UPC-Manidem, appelle insidieusement depuis quelques mois le nouveau « citoyen-émeutier » camerounais à « envahir le stade » pour exiger « le respect de ses droits ». Cet activiste nationaliste s’inspire du modèle inauguré à Abong-Mbang (Est), dont les habitants ont obtenu le rétablissement de l’électricité à la suite d’une émeute au cours de laquelle deux lycéens ont été mortellement blessés par balle. Sur la même ligne dure, on retrouve aussi le dissident en exil au Burkina Faso, Guerandi Mbara, qui considère que le débat actuel n’est qu’un « divertissement en dehors de tout État de droit ». Leurs initiatives restent isolées.

Du rififi au RDPC
En attendant que les personnalités de l’opposition se décident à fédérer les mécontentements (et entretenant le secret espoir que le cardinal-archevêque de Douala Christian Tumi se mêle de l’affaire), quelques manifestants, estimés à un millier par la presse indépendante, sont descendus dans la rue, le 6 janvier, à Douala pour protester contre le projet de modification.
Mais on voit mal aujourd’hui ce qui pourrait empêcher le locataire du palais d’Etoudi de dormir.
Si tant est qu’il ait du souci à se faire, Paul Biya doit donc plutôt – et paradoxalement – surveiller ses propres troupes. Malgré les motions de soutien en provenance d’une partie de l’élite politico-administrative du pays, l’ultra-dominant RDPC n’a pas encore dégagé de consensus autour de l’idée d’un autre mandat à la tête du Cameroun. Certes, les membres du fameux G11, ce groupe de personnalités qui préparait l’après-Biya, ont été écartés des cercles du pouvoir lors du dernier remaniement ministériel. Mais les quinquas piaffent d’impatience à l’ombre du chef, qui aura 78 ans en 2011. Au Parlement, des élus RDPC n’hésitent plus à contrarier de manière frontale les consignes données par la direction du parti. Ainsi d’Adama Modi, député du Mayo Kani Sud (Extrême Nord) qui s’est opposé en septembre 2007 à la reconduction de Djibril Cavaye Yéguié – en poste depuis seize ans – au perchoir de l’Assemblée nationale. Un culot qui a sidéré jusque dans les rangs du parti, d’autant que la modification annoncée passera forcément par l’Assemblée nationale, qui avait déjà adopté la Constitution en 1996. Malgré son écrasante majorité, le parti au pouvoir pourrait pâtir du désordre dans ses rangs.

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