« Africa Mia » : sur les traces de ces Maliens qui ont inventé le rythme afro-cubain
« Rendez-Vous chez Fatimata » : un tube légendaire dans les années 1960 né du voyage de musiciens maliens à La Havane. Dans le film « Africa Mia », qui sort ce 16 septembre, Richard Minier raconte leur épopée.
1964. C’était au lendemain des indépendances africaines et au temps des révolutions dans quelques États de cette partie de la planète qu’on appelait encore le Tiers-Monde.
Au Mali, Modibo Keïta, président socialiste tout puissant depuis la fin de la colonisation française en 1960, entendait favoriser toutes les initiatives qui démontreraient l’émancipation définitive de son pays. À Cuba, dans les Caraïbes, Fidel Castro, cinq ans après sa prise du pouvoir et en pleine guerre froide, souhaitait contrer l’hostilité des États-Unis en s’alliant avec d’autres pays du Sud. Voilà pourquoi, cette année-là, dix musiciens maliens furent invités à aller perfectionner leur art à La Havane, au conservatoire Alejandro Garcia Geturla.
« Las Maravillas de Mali »
Ces jeunes Maliens apprendront vite. Et sous la direction du plus entreprenant d’entre eux, le flûtiste et compositeur Boncana Maïga, ils formeront bientôt un groupe qu’ils appelleront « Las Maravillas de Mali », pour rendre hommage au groupe cubain « Las Maravillas de Florida ».
La qualité de leurs musiques et de leurs interprétations leur permet bientôt d’enregistrer ce qui sera leur premier et seul 33 tours. Avec, comme morceau phare, Rendez-Vous chez Fatimata, qui va devenir un tube à Cuba mais aussi et surtout dans toute l’Afrique du milieu des années 1960. Les Maravillas, inspirés bien entendu par ce qu’ils écoutaient à La Havane, venaient alors d’inventer la musique afro-cubaine et de devenir à jamais des pionniers de ce qui allait être la World Music.
Le renversement, en 1968, du régime de Modibo Keïta par un coup d’État militaire mettra fin à la belle histoire des Maravillas de Mali, alors rentrés au pays. Boncana Maïga, le chef d’orchestre surnommé « le Maestro », fidèle à ses convictions idéologiques, part en exil à Abidjan mais ne réussit pas à convaincre ses camarades musiciens de le suivre. Lui seul poursuivra une carrière de premier plan, comme musicien mais aussi comme producteur (notamment d’Alpha Blondy) ou en tant qu’auteur de musiques de films (celle en particulier de la célèbre comédie ivoirienne Bal Poussière d’Henri Duparc).
Deux histoires entremêlées
Cette histoire était presque oubliée à la toute fin des années 1990 quand le producteur de musique français Richard Minier en entendit parler par hasard, lors de son premier voyage en Afrique, au bar de son hôtel à Bamako. Il n’aura alors de cesse, caméra à la main, de reconstituer l’épopée des Maravillas en retrouvant, entre 2000 et 2018, tous les protagonistes et les principaux témoins encore en vie de celle-ci – notamment les ex-épouses ou enfants des musiciens à Cuba. Il tentera vainement de reconstituer le groupe, dont tous les membres, à l’exception du « Maestro », disparaîtront l’un après l’autre. Il réussira cependant à retourner à Cuba en 2016 avec Boncana Maïga, qui pourra alors enregistrer avec un orchestre cubain de nouvelles versions des morceaux de son groupe des années 1960. Un grand moment d’émotion.
Le film qui sort aujourd’hui, réalisé par Richard Minier avec l’appui d’Edouard Salier, raconte, images d’archives à l’appui, deux histoires entremêlées. L’une évoque ce qu’ont vécu les musiciens maliens partis à Cuba et leur succès international. L’autre nous fait suivre pas à pas la longue enquête de Richard Minier. Autant la première est passionnante, autant la seconde laisse parfois perplexe. L’omniprésence devant la caméra de l’auteur du film s’imposait-elle dans ce documentaire dont il n’est pas le véritable héros malgré sa belle persévérance pour rendre un hommage mérité aux Maravillas ?
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