On ne tire pas sur une ambulance !

L’ancien dictateur Suharto étant hospitalisé dans un état critique, les autorités envisagent de passer l’éponge sur ses vertigineux détournements de fonds publics.

Publié le 14 janvier 2008 Lecture : 2 minutes.

Agung Laksono, le président du Parlement indonésien, a, pour des « raisons humanitaires », publiquement appelé à l’abandon des poursuites judiciaires engagées contre l’ancien dictateur Mohamed Suharto (86 ans), actuellement hospitalisé dans un état critique (il souffre d’anémie et d’hypotension).
En soi, cet appel n’a rien de surprenant, Agung Laksono étant membre du Golkar, le parti créé dans les années 1960 par Suharto. Mais il n’aurait sans doute pas eu lieu si le souvenir des exactions de la dictature ne commençait à s’estomper dans l’opinion. À en croire l’ONG Transparency International, Suharto est pourtant le plus grand « kleptocrate » vivant : le montant de ses avoirs frauduleusement acquis s’élèverait à plus de 35 milliards de dollars. Après trente-deux ans de pouvoir, il avait été renversé en mai 1998, pendant la crise financière asiatique et les graves troubles sociaux qu’elle avait provoqués.
Dans la matinée du 5 janvier, de nombreux responsables, au premier rang desquels le président Susilo Bambang Yudhoyono, se sont succédé au chevet de l’ex-dictateur malade. Le chef de l’État a même demandé à la nation de prier pour que ce dernier se rétablisse rapidement. « C’est un général cinq étoiles et, à ce titre, il doit être respecté, a pour sa part commenté le vice-président Jusuf Kalla, par ailleurs patron du Golkar. Mais il a surtout été un grand leader auquel toute notre action doit se référer. » Megawati Sukarnoputri et Abdurrahman Wahid, les prédécesseurs de Yudhoyono, qui furent dans le passé violemment hostiles à Suharto, ont parlé de lui en termes charitables, le second apparaissant même à ses côtés.
Le 6 janvier, son médecin traitant a révélé que la santé de Suharto, après plusieurs transfusions sanguines et la pose d’un second pacemaker, se stabilisait, tout en demeurant critique. Depuis 1998, son patient a été victime d’affections multiples, dont deux attaques cardiaques. En 2000, en raison de son état de santé, les autorités avaient renoncé à le traduire devant un tribunal pénal, pour corruption. Mais l’année dernière, elles ont engagé contre lui une procédure civile concernant le détournement de 1,54 milliard de dollars.
Tout le monde ne manifeste pas à l’égard de Suharto autant de déférence. Sidney Jones, une experte indonésienne membre du think-tank International Crisis Group, compare sa situation à celle de Richard Nixon, l’ancien président américain déchu, peu avant sa mort (en 1994) : « Rien n’interdit d’octroyer à un mourant le bénéfice du doute, estime-t-elle, mais cela n’affecte en rien la manière dont il sera perçu par la postérité. » Bambang Haryimurti, l’éditeur de Tempo, un magazine d’actualité longtemps interdit, juge quant à lui que « lorsqu’il mourra, la majorité des gens vont simplement pousser un soupir de soulagement ».

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