Crash du 737 Max d’Ethiopian : le Congrès américain blâme à nouveau Boeing
Informations critiques cachées aux pilotes, conflits d’intérêt avec le régulateur américain… Le rapport final du Congrès épingle une nouvelle fois le constructeur.
Après dix-huit mois d’enquête, plus d’une vingtaine d’auditions et l’examen de 600 000 pages de documents, la commission des transports du Congrès américain a rendu son rapport final sur les deux crashs des Boeing 737 Max de l’indonésien Lion Air (octobre 2018) et d’Ethiopian Airlines (mars 2019). Un accident qui avait fait 157 morts en Éthiopie, et qui avait cloué au sol 800 exemplaires du 737 Max partout dans le monde, dont quatre de la compagnie éthiopienne, qui en attendait la livraison d’une trentaine.
Le rapport « contient des révélations troublantes sur la façon dont Boeing – sous pression pour concurrencer Airbus et réaliser des bénéfices pour Wall Street – a échappé à l’examen de la Federal Aviation Authority (FAA), a caché des informations critiques aux pilotes et a finalement mis en service des avions qui ont tué 346 personnes innocentes », a commenté le président de la commission des Transports de la Chambre des représentants, Peter DeFazio, dans un communiqué.
« Culture de dissimulation »
Le rapport met en avant la forte pression financière mise sur Boeing et le programme du 737 Max pour devancer la sortie du nouvel appareil d’Airbus, l’A320 Neo.
Le document blâme les hypothèses faites par Boeing sur des technologies essentielles de l’appareil, dont le logiciel antidécrochage MCAS mis en cause dans les deux accidents, ainsi que la culture de dissimulation qui prévaut chez le constructeur et l’a empêché de partager des informations cruciales avec les autorités, ses clients et les pilotes du 737 Max.
Les auteurs du rapport mettent également en avant la façon dont le régulateur, la FAA, supervise Boeing, ce qui crée selon eux des « conflits d’intérêt inhérents », et donne une influence à leurs yeux trop importante de Boeing sur la FAA.
Des logiciels « désastreux », selon Tewolde GebreMariam
Des critiques déjà émises en grande partie en mars dernier dans un précédent rapport du Congrès, qui avait particulièrement pointé un avion « fondamentalement défectueux et dangereux ». De son côté, une enquête du gouvernement d’Addis Abeba avait également jugé il y a six mois « inadéquate » la formation des pilotes par le constructeur. Ces derniers avaient suivi les procédures recommandées par Boeing mais avaient été incapables de reprendre le contrôle de l’appareil.
Interrogé en novembre 2019 à Paris sur l’usage de l’intelligence artificielle en vol, incriminée dans l’accident, Tewolde GebreMariam, PDG d’Ethiopian avait commenté l’affaire. « Quand ces outils prennent plus de pouvoir que les êtres humains, quand ils contrôlent les êtres humains, leurs actions et réactions, cela devient désastreux. Les logiciels doivent permettre aux êtres humains de conserver le contrôle. Si nous pensons étendre la technologie au-delà de l’être humain, cela devient très risqué ».
Le dirigeant ne savait toujours pas s’il maintiendrait sa commande de 737 Max, ignorant la destinée de l’appareil. « Nous voulons voir d’abord les modifications apportées à l’avion, nous voulons nous assurer que son problème a pleinement été résolu, que le retour dans les airs est sûr à 110 %. Nous ne serons pas les premiers à réintroduire le 737 Max mais les derniers. On doit convaincre nos pilotes, nos clients », assurait-il déjà en novembre.
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