Nawaz Sharif, l’anti-Musharraf

Depuis l’assassinat de Benazir Bhutto, il s’impose comme le leader de l’opposition au chef de l’État, auquel il voue une haine inexpiable. Et qui le lui rend bien.

Publié le 14 janvier 2008 Lecture : 3 minutes.

« Le problème du Pakistan, c’est Musharraf », répète Nawaz Sharif, l’irréductible ennemi du président. Depuis plusieurs mois, les événements donnent raison au leader de la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N), devenu depuis l’assassinat de Benazir Bhutto, le 27 décembre, la principale figure de l’opposition. Jamais depuis le coup d’État qui l’a porté au pouvoir, en 1999, Pervez Musharraf n’a été aussi impopulaire.
Défié par les juges de la Cour suprême, qui ont obtenu, en juillet 2007, la réintégration du juge Chaudhry, qu’il avait limogé en mars, affaibli par l’assaut sanglant lancé, ce même mois de juillet, contre les islamistes de la Mosquée rouge, à Islamabad, et par la vague d’attentats perpétrés par des fondamentalistes proches d’Al-Qaïda, le chef de l’État est en pleine tourmente. En septembre, un sondage mené par une ONG américaine le créditait de 38 % d’opinions favorables, loin derrière ses opposants Benazir Bhutto (63 %) et Nawaz Sharif (57 %), et même Oussama Ben Laden (46 %) ! Ne pouvant indéfiniment réprimer l’opposition, maintenir l’état d’urgence et continuer à faire croire qu’il lutte efficacement contre les talibans et les terroristes de tout poil, Musharraf a dû lâcher du lest et, sous la pression des États-Unis, renouer le dialogue avec Bhutto.
Mais s’il est un opposant avec lequel Musharraf ne veut à aucun prix composer, c’est bien Nawaz Sharif, qu’il chassa du pouvoir il y a huit ans après que ce dernier l’eut nommé chef des armées. Depuis cette trahison, l’ancien Premier ministre souhaite la mort politique du félon. Et vice versa.

Menace de boycottage
Les législatives du 18 février leur donneront-elles l’occasion d’en découdre ? Sharif a d’abord menacé de les boycotter. Puis, faute d’avoir pu rallier à cette idée le reste de l’opposition et sous la pression de son parti, il a finalement accepté d’y participer. Tout en clamant sa hantise d’un « trucage ». Son objectif ? « En finir avec la dictature militaire. » Et établir la démocratie au Pakistan. Vaste programme !
Né il y a cinquante-sept ans à Lahore, Nawaz Sharif rejoint en 1969, après des études de droit, Ittefaq, le groupe industriel fondé par son père, dont la branche sidérurgique sera nationalisée, trois ans plus tard, par le Premier ministre, Zulfikar Ali Bhutto, père de Benazir. L’inimitié entre les Bhutto, riches propriétaires terriens du Sind, et les Sharif, prospères industriels du Penjab, remonte, dit-on, à cette époque. Paradoxalement, c’est à un militaire que Sharif doit sa carrière politique : en 1981, le général (islamisant) Zia Ul Haq, qui le traite comme un fils, le nomme ministre des Finances de sa région natale. Aujourd’hui encore, c’est de sa maison de Jati Umra, qu’il orne d’animaux empaillés, que cet homme sans charisme mais réputé bon gestionnaire et amateur de cricket mène le combat.
Deux fois Premier ministre (1990-1993, puis 1997-1999), il se montrera plutôt favorable aux islamistes, adepte de l’économie libérale et tout aussi contesté que Benazir Bhutto. Comme elle évincé par les militaires et accusé de corruption, Sharif a été condamné, en 2000, à la réclusion à perpétuité, peine « commuée » en un exil de dix ans en Arabie saoudite, puis à Londres.
En août dernier, la décision de la Cour suprême d’autoriser son retour au pays a constitué un nouveau camouflet pour Musharraf. Celui-ci a d’abord riposté en ordonnant, le 10 septembre, l’expulsion immédiate de son ennemi intime, puis fait arrêter des centaines de ses partisans, avant de céder, deux mois plus tard, à « l’amicale pression » de la famille royale saoudienne. En décembre, Bhutto et Sharif étaient tous deux en lice pour les législatives. La première a été assassinée, le second continue la lutte. La rage au cur.

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