Mourir pour Tifariti ?

Publié le 14 janvier 2008 Lecture : 3 minutes.

Dialogue de sourds à Manhasset, non loin de New York, les 8 et 9 janvier. Marocains et Sahraouis du Polisario y ont, pour la troisième fois en moins d’un an, confronté leurs monologues respectifs sous la houlette de l’ONU et l’il attentif d’observateurs algériens et mauritaniens. Résultat stérile et match à rejouer, même lieu, dans deux mois, le 11 mars
Dans une atmosphère glaciale, bien loin des ébauches de dialogue qui avaient suscité quelques espoirs lors de Manhasset 1, en juin 2007, Mahfoud Ali Beiba, le chef de la délégation du Polisario, a réitéré la chehada [profession de foi] des indépendantistes depuis des lustres : oui, le Polisario est l’unique représentant du peuple sahraoui ; oui, il n’y a pas d’autre solution qu’un « référendum d’autodétermination libre et juste ». Prudents, les délégués du Front – parmi lesquels les incontournables Brahim Ghali et Ahmed Boukhari – se sont toutefois bien gardés de répéter en présence de Peter Van Walsum, le médiateur onusien, les menaces de reprise de la lutte armée, agitées lors du récent congrès de Tifariti. Mais ils ont longuement insisté sur la question des droits de l’homme dans les « territoires occupés », allant même jusqu’à évoquer l’existence de présumées « fosses communes » à Smara et à Laayoune.
« Les droits de l’homme, parlons-en », a rétorqué en substance Taïeb Fassi Fihri, le ministre marocain des Affaires étrangères, qui a réclamé la mise en place d’une commission d’enquête « dans les camps des Sahraouis séquestrés à Tindouf » et exigé que les organisations internationales de défense des droits humains et le Haut-Commissariat aux réfugiés puissent accéder à ces camps très fermés, afin de déterminer le nombre exact de Sahraouis qui y vivent. Pour Fassi Fihri, le contexte régional « marqué par l’escalade de la violence et le terrorisme » commande de « dépasser ce conflit artificiel ». Le chef de la délégation marocaine ne voit pour sa part qu’une seule issue : le plan de large autonomie interne du Sahara occidental proposé par Rabat. Tout est prêt, a-t-il ajouté, pour accueillir sur le territoire les Sahraouis de retour de Tindouf : un vaste programme de réalisation d’infrastructures, comprenant la construction de 40 000 logements, vient d’être lancé dans ce but.
Deux argumentaires inconciliables, on le voit, et qui pourraient bien, si l’on n’y prend garde, susciter un grave abcès de fixation autour du « cas » de Tifariti. Cette localité fantôme est située en plein cur du no man’s land placé sous la juridiction provisoire de l’ONU à l’issue du cessez-le-feu de 1991 et supposé demeurer vide de toute présence hormis celle des Casques bleus. Or le Polisario, avec l’accord de l’Algérie, vient d’y tenir son Congrès et prévoit de s’y installer de manière permanente, avec armes, bagages et même quelques familles de réfugiés. Fassi Fihri, qui a écrit une lettre de mise en garde à Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, affirme que le Maroc « ne laissera pas faire » cette « violation caractérisée d’un territoire marocain temporairement laissé en zone tampon » et dénonce le « chantage à la nord-vietnamienne de ceux qui prétendent dialoguer le jour alors qu’ils préparent la guerre la nuit ». Commentaire d’un diplomate onusien proche du dossier : « C’est apparemment une petite crise, mais elle est à hauts risques. D’autant qu’entre Rabat et Alger, les relations sont au plus bas. » Mourir pour Tifariti ? On n’ose encore y penser.

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