Désintégration à la française

Malika Sorel passe au crible la politique d’immigration en France. Et renvoie la droite et la gauche à leurs échecs respectifs.

Publié le 14 janvier 2008 Lecture : 3 minutes.

« Lorsque j’ai choisi la nationalité française, j’avais environ 30 ans. J’étais depuis longtemps parfaitement insérée dans la société française. [] Je me suis surprise à traverser une longue phase d’interrogation sur l’acte qui m’amenait à acquérir la nationalité française. Étais-je prête à imposer à mes ascendants mon choix de m’inscrire dans une autre histoire que la leur ? »
Dans Le Puzzle de l’intégration, Malika Sorel parle de l’immigration en connaissance de cause. Ses parents sont originaires d’Algérie, où elle a effectué une partie de sa scolarité avant d’être diplômée de l’une des écoles de commerce les plus cotées de la place parisienne.
À l’heure où la « maîtrise » de l’immigration s’enlise dans des débats franco-français, Malika Sorel s’est appuyée sur son vécu pour écrire son essai. Et ose dire les choses telles qu’elles sont et va à l’encontre du politiquement correct en renvoyant les politiques de l’immigration, qu’elles soient de droite ou de gauche, à leurs échecs répétés.

Idéologie contre-productive
Sans nier les drames de la colonisation – au contraire -, elle refuse de les lier à la situation actuelle. L’insertion dans une organisation sociale et une culture différentes suppose, de la part de tout migrant, écrit-elle, un effort considérable qui n’est aucunement lié au passé colonial. Les motivations pour l’exil sont bien davantage dues à l’impéritie des gouvernants. Insister sur le passé, c’est rendre l’insertion plus difficile : « Comment pourrais-je m’intégrer dans ce pays qui a malmené mes ancêtres ? » L’idéologie de la victimisation avec son corollaire, la repentance des Français, est non seulement injustifiée, mais elle est contre-productive.
Pour ce qui est de la discrimination positive, l’auteur est tout aussi catégorique. À travers cette question et celle du droit du sol, « celle qui se pose en filigrane aux Français est de savoir s’ils sont attachés à ce que la France demeure une et indivisible, ou s’ils acceptent de définitivement tourner le dos à cet héritage ». Forte des constatations qu’elle a pu faire aux États-Unis et au Canada, elle est convaincue que c’est la porte ouverte au communautarisme. Ce n’est rien d’autre qu’une fausse bonne solution qui ne parviendra pas à aider ceux à qui elle est destinée. Les enfants d’immigrés qui entrent à Sciences-Po par ce biais avaient vocation à s’intégrer dans la société française sans ce coup de pouce. Mais que deviendront les autres lorsqu’il faudra – et ce sera bien nécessaire un jour – y mettre fin ? Et quid des conflits suscités par une telle politique, dont on sait qu’elle aboutit souvent à dresser une communauté contre une autre ?
Avec précision et une solide argumentation, Malika Sorel distingue insertion et intégration. La première implique l’apprentissage des règles qui régissent la société d’accueil et qui, pour les migrants des pays du Sud, sont bien différentes de celles du pays d’origine. Il faut alors prévoir pour les enfants un accompagnement culturel destiné à leur fournir les enseignements qu’ils ne trouveront pas au sein de leur famille. Et c’est tout aussi important que les mesures économiques de solidarité nationale. L’intégration, quant à elle, suppose une rupture avec la communauté d’origine et doit, pour cette raison même, être le fruit d’un choix personnel et réfléchi.
Parce qu’elle met en garde contre les dangers des mesures qui menacent la cohésion sociale, Malika Sorel est souvent sollicitée pour un engagement politique qu’elle a jusqu’à présent repoussé. « Je voudrais éviter d’être instrumentalisée, comme c’est actuellement la mode à Paris. Je n’ai aucune ambition personnelle, je souhaite simplement servir l’intérêt général, [] en travaillant avec des personnalités qui m’apparaîtront en mesure de pacifier les relations entre les uns et les autres. »
Le Puzzle de l’intégration est à lire avec intérêt et attention, même s’il peut choquer. Ou justement parce qu’il bouscule ce que l’on devrait appeler des idées reçues.

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