Dans les coulisses du procès

L’ancien dictateur libérien affronte depuis le 7 janvier les juges du Tribunal spécial pour la Sierra Leone et les quelque cent cinquante témoins à charge qui défileront à la barre. Verdict : pas avant la fin 2009.

Publié le 14 janvier 2008 Lecture : 3 minutes.

Sur les documents du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), il s’appelle « TF1-406 ». Un numéro parmi d’autres. Mais, quand ce témoin pénètre dans la salle d’audience de La Haye, aux Pays-Bas, le 9 janvier au matin, le visage de Charles Taylor, l’ex-chef de l’État libérien, se crispe. Vêtu d’un grand boubou beige clair, le témoin se présente : « Je m’appelle Varmouyan Sherif. J’étais le chef de la brigade motorisée du président Taylor. » Pour le procureur en chef, l’Américain Stephen Rapp, c’est une belle prise. Un insider, comme il dit. Un homme de l’intérieur du système Taylor. Un repenti.
« Étiez-vous en contact avec les rebelles de Sierra Leone ? » lui demande la procureure adjointe. « Oui. J’étais chargé de leur fournir des armes. Une fois, monsieur Taylor m’a même envoyé en Sierra Leone pour aller chercher leur chef, Sam Bockarie. Il voulait le voir. Comme Bockarie ne me connaissait pas, il s’est méfié et m’a dit de rester dormir à son quartier général, le temps qu’il vérifie. Le lendemain matin, on est parti ensemble pour le Liberia. Dans une de ses poches, il avait une petite bouteille pleine de diamants. »
À ces mots, l’accusé ne bronche pas. Depuis le début de l’audience, Taylor est calé derrière ses trois avocats. Costume sombre, cravate bordeaux et boutons de manchette dorés, il prend des notes et parle de temps en temps à voix basse avec eux. Il se veut impassible mais, quand le témoin évoque le nom de Bockarie, ses yeux se plissent derrière ses lunettes aux verres teintés.
En fait, depuis la reprise du procès Taylor, le 7 janvier, devant le TSSL, tout l’enjeu est de connaître la vraie nature des relations entre l’ancien président libérien et Sam Bockarie, le chef opérationnel des rebelles du RUF (Front révolutionnaire uni), qui ont torturé, mutilé et tué des dizaines de milliers de civils sierra-léonais, entre 1996 et 2001. L’accusation affirme que Taylor était non seulement le parrain de ces tueurs, mais leur véritable chef. De son côté, la défense essaie de prouver que l’ex-dictateur n’a rien à voir avec les rebelles sierra-léonais et que le tribunal s’acharne sur lui faute de pouvoir juger les deux chefs du RUF, Foday Sankoh et Sam Bockarie, morts depuis plusieurs années.

Une longue bataille
La nouveauté, c’est que Taylor, dont le voisin de cellule à La Haye n’est autre que le chef rebelle congolais Thomas Lubanga, incarcéré depuis mars 2006, est enfin décidé à se battre. Au début de son procès, en juin 2007, il n’avait pas daigné sortir de sa cellule. Depuis, il a réussi à obtenir le statut d’« indigent », ce qui en choque plus d’un parmi ceux qui pensent qu’il a caché un magot quelque part. Le Tribunal lui alloue 100 000 dollars par mois pour financer sa défense. Et ses nouveaux avocats britanniques sont mordants. L’un d’eux, Courtenay Griffiths, a lancé au pasteur Tamba Teh, autre témoin à charge : « Pourquoi le nom de Charles Taylor n’apparaît pas dans vos premières dépositions écrites, entre 2002 et 2005 ? »
La bataille ne fait que commencer. Il faudra sans doute huit mois pour entendre les quelque cent cinquante témoins à charge qui doivent défiler à la barre. Et autant pour auditionner ceux de la défense. Verdict attendu fin 2009. Les audiences sont retransmises en direct au siège du TSSL, à Freetown. Mais pas à Monrovia. La présidente du Liberia, Ellen Johnson-Sirleaf, craint sans doute la réaction des partisans de Taylor. Pour les victimes libériennes de l’ancien chef de guerre, la frustration doit être grande. Se consoleront-ils avec la Commission Vérité et Réconciliation du Liberia ? Comme par hasard, elle a ouvert ses travaux le 8 janvier.

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