Comment j’ai ressuscité Lucy…

En collaboration étroite avec des paléontologues, Elisabeth Daynès sculpte des australopithèques, hommes de Cro-Magnon et autres Homo sapiens.

Publié le 14 janvier 2008 Lecture : 2 minutes.

Elisabeth Daynès a un penchant pour les australopithèques. Elle les aime tant qu’elle les ressuscite. L’album qui vient de paraître, Daynès (Fragments international, 35 euros), permet de se faire une idée concrète de son travail. Peintre et sculptrice, elle recrée nos ancêtres hominidés à partir des fragments fossiles découverts par les paléontologues. Tout a commencé en 1988 quand on a demandé à la décoratrice de théâtre qu’elle était de réaliser un mammouth et un campement de Magdaléniens. « Ce jour-là, j’ai plongé dans la préhistoire », confie-t-elle. Au contact de scientifiques, elle a développé son art et redonné vie à des hommes de Néandertal et autres Cro-Magnon

« Australopithecus afarensis »
Grâce à elle, chacun peut aujourd’hui savoir à « qui » ressemblaient Toumaï ou Lucy. Pour cette petite Australopithecus afarensis, découverte en Éthiopie en 1974, la tâche n’a pas été simple. Le squelette ne comporte pas de crâne et Elisabeth Daynès a dû réaliser un « métissage ». Elle a utilisé les os de Lucy et le crâne d’un autre australopithèque découvert au même endroit, AL 417. Elle a pu travailler à l’université de médecine de Tel-Aviv en profitant des conseils avisés de Yoel Rak, « l’un des meilleurs anatomistes du monde ».

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Poils de yack
Sa méthode ? Elle ne varie guère, même si elle essaie d’éviter les archétypes pour créer de véritables personnalités. D’abord, elle place les masses musculaires (en terre de faïence) sur le moulage des os, en fonction des indications données par les spécialistes – parmi lesquels le docteur Vignal, de l’Institut de recherche criminelle (Paris). Elle ne peut pas connaître avec certitude l’épaisseur des tissus mous, mais elle a les moyens d’approcher la vérité. « On connaît la taille du ventre de Lucy parce qu’il est certain qu’elle était carnivore et très musclée, affirme-t-elle. Les orbites du crâne, elles, nous orientent pour la forme des yeux. »
Sur les muscles, elle applique une épaisseur de peau qu’elle rend vivante en ajoutant marques, rides, blessures. Ensuite, elle fabrique un moule et y coule, en silicone, le corps nu. Qu’elle « humanise » en ajoutant poils, cheveux, rougeurs, couleurs, etc. Un exercice difficile : « Autant les formes et les traits du visage sont étudiés de manière précise, autant la couleur de peau, les yeux et le système pileux sont subjectifs. Mais ce n’est pas réalisé de manière anarchique : cela fait l’objet de réunions, où l’on discute parfois du climat qui régnait à l’époque. »
De fait, un climat froid commandera une peau plus claire. Les cheveux et les poils (d’humain ou de yack !) sont plantés un à un ! L’accent mis sur les yeux (des prothèses oculaires) est important : l’hominidé doit « capter le regard ».
Pour ressusciter Lucy, il a fallu environ huit mois de travail. Coût pour le musée qui commande ce genre de « sculpture » : entre 30 000 et 60 000 euros. « Ce n’est pas une science exacte, mais c’est un lien entre la communauté scientifique et le public », affirme Daynès. Et il est vrai qu’en sortant de son atelier parisien, on se retourne pour savoir si l’on n’est pas suivi par une charmante petite australopithèque au regard étincelant…

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