France-Maghreb : que cache la diplomatie des diplômes ?

Des universités délivrent des titres honorifiques à des personnalités étrangères parfois contestables. Au risque de susciter l’ironie lorsque la roue politique tourne.

Cérémonie de distinction du président tunisien Béji Caid Essebssi à la Sorbonne, à Paris, en 2015. © Ons Abid pour JA

Cérémonie de distinction du président tunisien Béji Caid Essebssi à la Sorbonne, à Paris, en 2015. © Ons Abid pour JA

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Publié le 22 septembre 2020 Lecture : 9 minutes.

Il est des décorations qui brillent un temps, puis font tache. Surtout lorsque l’histoire joue des tours aux certitudes des hommes de pouvoir. C’est peut-être ce retournement du sort qui explique pourquoi l’attribution en mai 2004 de la médaille d’honneur de la Sorbonne à (feu) Zine el-Abidine Ben Ali ne figure pas sur le site de la prestigieuse université parisienne.

L’ex-chef de l’État tunisien (au pouvoir de 1987 à 2011) ne manquait pas, au contraire, de se prévaloir sur son site de campagne de 2004, de ce gage d’allégeance. La liste des distinctions de cet acabit s’y étalent d’ailleurs sur huit pages.

La gratification de la Sorbonne s’y retrouve noyée, pêle-mêle, entre la Plume d’or des journalistes tunisiens, la médaille de la fédération mondiale des organisations d’ingénieurs, une autre de la fédération internationale de taekwondo, le blason des archéologues arabes, celui d’une faculté cairote ou encore le doctorat honoris causa de l’université italienne de Trieste.

Fringale de diplômes

Une liste à couper le souffle tant elle est fournie et éclectique. Y sont tour à tour salués son « rôle remarquable », son « intérêt », ses « efforts », ses « réalisations », jusqu’à « sa volonté constante de promouvoir l’information nationale et de rehausser la place des journalistes » un comble.

Une révolution plus tard, si ce palmarès prête à sourire, ses récompenses universitaires interrogent. Dans son livre Profession diplomate (éd. Plon, 2019), l’ex-ambassadeur français Yves Aubin de la Messuzière — en poste à Tunis de 2002 à 2005 — se demande : « Est-ce pour compenser [son] sentiment d’infériorité à l’égard de son prédécesseur [Bourguiba] qu’il est si sensible aux honneurs venus de l’étranger ? » L’ancien diplomate y relate la façon dont l’entourage de l’autocrate l’avait approché pour requérir une médaille… de l’Académie française !

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