Ballon rond et faux rebonds

Accusé d’avoir voulu corrompre un arbitre et radié à vie de toute activité liée au football par la CAF, le président de la fédération nationale se tourne vers le Tribunal arbitral du sport.

Publié le 14 janvier 2008 Lecture : 4 minutes.

C’est loin des stades, dans le cadre du prestigieux château de Béthusy, à Lausanne (Suisse), que le juge malgache Raymond Ranjeva présidera, le 18 janvier, l’audience du Tribunal arbitral du sport (TAS) dans l’affaire opposant le Togolais Tata Avlessi à la Confédération africaine de football (CAF). Homme d’affaires en vue à Lomé et à Abidjan, mécène prodigue à Masséda, son village natal, Tata Avlessi, président déchu de la Fédération togolaise de football (FTF), est, depuis le 2 septembre 2007, interdit à vie de toute activité dans le football pour « acte de corruption ».
Tout commence le 13 mars 2007, à Lomé, au stade de Kégué. Ce soir-là, le championnat d’Afrique des moins de 17 ans bat son plein. Le Togo affronte la Tunisie. Enjeu : un ticket pour le Mondial des cadets, qui doit se tenir du 18 août au 9 septembre 2007 à Séoul (Corée du Sud). Les Tunisiens l’emportent (3-0). Au grand dam des supporteurs togolais, qui bombardent de projectiles le trio arbitral dirigé par le Gambien Pa Abdou Sarr. Le lendemain, coup de théâtre. L’arbitre assistant soudanais, Abdallah Mohamed, rapporte au Tunisien Néji Jouini, membre de la commission des arbitres de la CAF, que la veille de la rencontre, une enveloppe contenant de l’argent aurait été remise par son confrère togolais Attivi Cessi à Pa Abdou Sarr. Immédiatement, Jouini en informe la Fédération internationale de football association (Fifa).

Aveux et désaveux
Débute alors un véritable feuilleton. Le 17 mars, Sarr reconnaît les faits. Le président de la fédération togolaise, Tata Avlessi, lui aurait fait parvenir la somme de 1,1 million de F CFA (environ 1 700 euros). Mais Attivi Cessi, magistrat de son état, continue de nier. Avant d’avouer finalement, dans une lettre datée du 16 mai, avoir pris contact avec l’arbitre de la rencontre. « En réalité, je n’ai pas traité ouvertement ou en connaissance de cause d’une affaire d’argent avec l’arbitre gambien pour faire gagner le match par le Togo, écrit-il. Ce dont je me rappelle, c’est qu’une enveloppe a été envoyée à ce dernier par le président de la FTF, M. Tata Avlessi, et ceci par mon entremise, enveloppe dont j’ignorais totalement et sincèrement le contenu. Je pensais que cette affaire avait été réglée au préalable entre le président Tata et l’arbitre Sarr. »
Le comité de discipline de la CAF suspend provisoirement Sarr et Attivi Cessi, puis convoque au Caire le seul Tata Avlessi, qui réfute les allégations de corruption et incrimine la malveillance de deux membres de la FTF, le vice-président Gabriel Améyi et le secrétaire général, Espoir Komlan Assogbavi, par ailleurs vice-président de la cour d’appel de Lomé. Le 5 juillet, les sanctions tombent. Avlessi est interdit de « toute activité ayant trait au football pour huit ans », Sarr est radié à vie, et le Togolais Attivi Cessi écope de quatre ans de suspension. Le président de la FTF décide de faire appel et confie sa défense à un collectif d’avocats dirigé par Me Alexis Coffi Aquereburu. Le 13 juillet, nouveau rebondissement : de Banjul, l’arbitre Sarr revient sur ses « aveux » et déclare sur l’honneur « n’avoir jamais vu, ni connu, le nommé Tata Avlessi, ni discuté de quoi que ce soit avec lui ». Me Aquereburu se rend au Caire, où se réunit, le 31 juillet, le jury d’appel de la CAF. Et dépose, non sans mal, une requête – demeurée sans suite – pour l’expertise de la fameuse « enveloppe ». La séance est renvoyée au 2 septembre à Port Elizabeth, en Afrique du Sud.

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L’intermédiaire fait le mort
Cette fois-ci, le jury convoque Attivi Cessi et Espoir Komlan Assogbavi, mais oublie les deux principaux protagonistes de l’affaire, Tata Avlessi et Pa Abdou Sarr. Durant leur audition, les deux personnes interrogées ne parlent pas d’une, mais de deux enveloppes : « Des plis séparés de 600 000 F CFA et 500 000 F CFA ». Le président de la FTF, accusé de « crime », est condamné à « l’interdiction à vie, de stade et d’exercer toute activité relative au football ». Attivi Cessi est lui aussi radié à vie. Le 10 septembre, Avlessi et ses défenseurs saisissent le Tribunal arbitral du sport (TAS).
Depuis, Attivi Cessi fait le mort. Le magistrat togolais oppose une fin de non-recevoir à une sommation d’huissier, refuse toute confrontation avec Tata Avlessi et ne se présente pas aux séances d’audition organisées par le Conseil supérieur de la magistrature. Pour l’heure, personne ne sait réellement s’il répondra à la convocation du TAS, le 18 janvier. D’autant que l’institution a exigé que la CAF lui fasse parvenir la fameuse « enveloppe ».
À Lomé, l’affaire fait en tout cas grand bruit. Certains parlent d’un règlement de comptes à la togolaise. Tata Avlessi, qui, le 9 janvier 2007, a succédé à Rock Gnassingbé à la tête de la FTF, n’a pas que des amis au sein de l’establishment politique local. Son activisme débordant et son ambition dérangent. D’autres, en revanche, préfèrent pointer du doigt le président de la CAF, Issa Hayatou, accusé de vouloir « casser » à tout prix le Togolais. D’aucuns pensent, en effet, qu’Avlessi paie sa trop grande proximité avec le président de la Fédération ivoirienne de football, Jacques Anouma, qu’il n’avait pas hésité à soutenir publiquement lors de la crise qui secouait en avril dernier l’Union des fédérations ouest-africaines de football (UFOA).

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