Une Africaine numéro deux

Publié le 15 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

Un curriculum vitae envoyé à New York à la demande du nouveau secrétaire général de l’ONU il y a quelques semaines et un coup de fil du chef de l’État tanzanien, Jakaya Kikwete, le 5 janvier, ont changé le destin d’Asha-Rose Mtengeti Migiro. En quelques minutes, la ministre des Affaires étrangères d’un petit pays d’Afrique de l’Est est devenue le troisième vice-secrétaire général de l’ONU, après la Québécoise Louise Fréchette et le Britannique Mark Malloch Brown. Elle aura sous ses ordres quelque 7 500 fonctionnaires, sera chargée de la réforme promise par Ban Ki-moon, ainsi que des questions économiques et sociales.
Le 5 janvier dans l’après-midi, la juriste préside un meeting de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), à Maseru, au Lesotho, quand le chef de l’État l’appelle. Elle sort précipitamment. Kikwete l’informe qu’elle va recevoir un appel du secrétaire général de l’ONU lui proposant d’être son second. Celui-ci se montrera, quelques instants plus tard, concis et direct : ?en raison de sa double expérience ministérielle, il pense qu’elle est parfaitement qualifiée pour le job. Ban Ki-moon avait déjà prévenu qu’il donnerait sa préférence à une femme originaire d’un pays en développement, mais son choix final est une surprise pour tout le monde. « Dites-moi si vous acceptez mon offre, car je dois annoncer votre nomination immédiatement », lui demande-t-il poliment. Celle qui n’a jamais vraiment quitté son pays, excepté pour des études en Allemagne, voit, à 50 ans, sa vie prendre un nouveau cours. Elle va devoir affronter un « machin » à réformer et une communauté internationale qui ignore tout – ou presque – d’elle.
Cette petite dame joviale, mais discrète, est née le 7 juillet 1956 à Songea, dans le sud-est de la Tanzanie. Après de brillantes études de droit à Dar es-Salaam, la jeune Asha-Rose Migiro prépare sa thèse de doctorat à Constance, en Allemagne. À son retour, elle enseigne à l’université. De 1992 à 1997, elle dirige deux départements de la faculté de droit. Parallèlement, elle se lance dans la politique au sein du Chama Cha Mapinduzi (CCM, parti au pouvoir depuis l’indépendance). Particulièrement versée dans ses travaux de recherche sur les questions d’intégration régionale, mais aussi sur les enjeux des droits fondamentaux, elle profite des quotas mis en place par la loi tanzanienne pour faire accéder les femmes au Parlement. Élue députée en 2000, elle est nommée dans la foulée par Benjamin Mkapa ministre du Développement communautaire, de la Condition des femmes et des enfants, avant de prendre le portefeuille des Affaires étrangères en janvier 2006, précédemment détenu par le nouveau président, Jakaya Kikwete.
Asha-Rose Migiro vient grossir les rangs des Tanzaniens qui se sont illustrés à la tête d’organisations internationales : Salim Ahmed Salim (président de l’Assemblée générale de l’ONU en 1979-1980, secrétaire général de l’OUA de 1989 à 2001 et aujourd’hui envoyé spécial de l’Union africaine au Darfour), Anna Tiabijuka la tête de l’ONU-Habitat) ou encore Gertrude Mongela (présidente du Parlement panafricain).
Le choix de Ban Ki-moon fait honneur à la Tanzanie. Voilà son système éducatif, dont Asha-Rose Migiro est le pur produit, paré d’une belle médaille, sa stabilité politique récompensée et son action en faveur des femmes couronnée. Le gouvernement Kikwete compte 16 femmes sur 59 membres, et non des moindres (Finances, Affaires étrangères, Éducation, Justice, Administration publique). Pour le continent tout entier, la présence d’une Africaine au sommet de la hiérarchie onusienne est une petite consolation après le départ de Kofi Annan, en même temps qu’un gage de bonne volonté de la part du Coréen. « Cette nomination, a déclaré Thabo Mbeki, le président sud-africain, est l’expression de la confiance de l’ONU dans les capacités qu’ont les peuples d’Afrique, et les femmes en particulier, à contribuer à la création d’un monde meilleur. »
Certes, Ban Ki-moon a voulu faire un geste envers le pays de Kikwete, membre du Conseil de sécurité l’an dernier, qui avait soutenu sa candidature. Mais il connaissait bien Asha-Rose Migiro, avec qui il a « travaillé étroitement » lorsqu’il était chef de la diplomatie et qu’il a longuement rencontrée lors de sa visite en Tanzanie, en mai 2006.

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