Un autiste à la Maison Blanche

Publié le 15 janvier 2007 Lecture : 2 minutes.

A première audition, l’allocution de vingt minutes que, le 10 janvier au soir, George W. Bush a consacrée à l’Irak était un discours d’autiste. Peu à l’aise, manquant visiblement de conviction, le président américain a semblé tout ignorer du résultat des élections de novembre, des propositions de la commission Baker-Hamilton, de l’avis de certains de ses meilleurs généraux, des prises de position du gouvernement irakien et du fait qu’aucun chef de l’exécutif depuis Richard Nixon n’avait osé faire ce qu’il propose : étendre et prolonger une guerre profondément impopulaire.
Augmenter l’engagement militaire pour mieux préparer un éventuel retrait : telle est la perspective en forme de pari que Bush, à l’instar de Nixon annonçant en 1970 l’invasion du Cambodge, offre désormais à ses concitoyens. Dans ce but, le corps expéditionnaire passera de 140 000 à 160 000 hommes (soit autant qu’en novembre 2004, au plus fort de l’intervention), dont 35 000 seront affectés à la sécurisation de Bagdad et le double à la pacification de la province sunnite d’Al-Anbar. Parallèlement, 1 milliard de dollars supplémentaires seront consacrés à l’amélioration des conditions de vie des Irakiens. Enfin, le Premier ministre Nouri al-Maliki se voit très fermement prié – sous peine d’être lâché – d’améliorer les performances de sa police, de son armée et de son administration. L’objectif étant de transmettre le contrôle de la totalité du territoire (hors Bagdad) aux forces de sécurité irakiennes d’ici au début de 2008.
Déjà expérimentée, avec les conséquences que l’on connaît, par les Soviétiques en Afghanistan, les Français en Algérie et les Américains eux-mêmes au Vietnam, cette stratégie du marteau et du paquet de friandises est plus que risquée. Une escalade militaire avec possibilité d’extension du conflit à l’Iran et à la Syrie paraît, à court terme, aussi inévitable que le gaspillage de l’aide dans un pays le montant annuel des détournements publics avoisine 7 milliards de dollars. Quant aux perspectives de retrait sur un an, elles sont irréalistes, l’état-major américain lui-même estimant que rien de tel n’est sérieusement envisageable avant fin 2009. Enfin, vu la piètre performance du gouvernement Maliki, on voit très mal les Nguyen Van Thieu et autres Babrak Karmal de Bagdad contrôler ne serait-ce que les quartiers chiites de la rive gauche du Tigre.
Saisi d’un accès de lucidité, Bush a d’ailleurs annoncé à ses compatriotes davantage de sang, de sueur et de larmes dans cet « affrontement idéologique décisif de notre temps ». Pour l’Amérique, le résultat de cette politique désastreuse ressemble fort à un dilemme : déroute immédiate ou débâcle programmée. Entre ces deux maux, Bush a choisi le second.

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