2007 : tour d’horizon

Publié le 15 janvier 2007 Lecture : 6 minutes.

Voici donc l’ONU, en ce début de 2007, dotée d’un nouveau secrétaire général : l’Asiatique Ban Ki-moon, dont François Soudan et Samir Gharbi nous décrivent les premiers pas en pages 24-27, succède à l’Africain Kofi Annan, que nous avons vu à l’uvre pendant dix ans.
Ils nous apprennent que le Sud-Coréen commence sa journée de travail deux heures plus tôt que le Ghanéen. C’est à mes yeux de très bon augure. Mais attendons de voir s’il en est plus efficace.

Le secrétaire général de l’ONU est le plus haut fonctionnaire international, mais n’a pas un pouvoir réel bien défini. Son autorité morale, elle, est immense, sans équivalent : si l’homme qui exerce la fonction fait montre de faiblesse, l’organisation perd l’essentiel de son influence. Lorsque, à l’inverse, il fait preuve de caractère, l’ONU joue pleinement son rôle de garde-fou, d’obstacle aux excès de ceux qui ont trop de pouvoir.
Celui des prédécesseurs de Kofi Annan et Ban Ki-moon qui a le plus marqué la fonction de son empreinte est le Suédois Dag Hammarskjöld. Il a défini le rôle de l’Organisation des Nations unies d’une phrase, devenue historique : « La mission première de l’ONU n’est pas de conduire l’humanité au paradis, mais de la sauver de l’enfer »
Cela pour annoncer que nous suivrons de près la manière dont Ban Ki-moon, nouveau venu sur la scène internationale, prendra possession de sa fonction – et vous livrerons notre évaluation de l’exercice qu’il en fera.

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Un arrivant, mais aussi des partants, surtout parmi les Européens : nous avions déjà « perdu » José María Aznar (en avril 2004), Gerhard Schröder (en novembre 2005), Silvio Berlusconi (en mai 2006), les chefs de l’exécutif de ces trois grands pays européens que sont l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie.
Renvoyés tous les trois par le suffrage universel !
Nous voici sur le point de « perdre » Jacques Chirac (France) et Tony Blair (Royaume-Uni), contraints eux aussi de céder la place en juin prochain, c’est-à-dire demain, à un successeur qui se sera imposé à eux.
Si, continuant notre tour d’horizon 2007, nous passons de l’Europe à l’Afrique, nous trouvons à l’uvre la démocratie et la guerre.

1) La démocratie, d’abord.
En Afrique de l’Ouest, le grand Nigeria « perdra » son président Olusegun Obasanjo, qui aurait bien voulu rempiler mais s’en est trouvé empêché, tandis que le Mali et le Sénégal, où le résultat des urnes n’est pas écrit, garderont, selon toute probabilité, le leur : Amadou Toumani Touré et Abdoulaye Wade devraient obtenir un second (et dernier) mandat.
À leurs frontières, et si, comme on l’espère, les fruits tiennent la promesse des fleurs, la Mauritanie verra – pour la première fois depuis plus de trente ans ! – un opposant accéder au pouvoir.
Et la Côte d’Ivoire ? Situation bloquée, évolution imprévisible. D’où pourrait venir le déclic ? Un miracle est-il possible ?

2) Venons-en à la guerre.
C’est d’ailleurs elle qui est venue à nous. Il s’agit en fait d’un retour : cette nouvelle guerre régionale africaine est en réalité un avatar de « la guerre » qui fait rage depuis plus de cinq ans entre al-Qaïda et les États-Unis.
Cette guerre elle-même a une racine plus lointaine : l’opération « Restore Hope » et « la bataille de Mogadiscio », au cours desquelles, s’étant aventurés en Somalie, l’ONU et les États-Unis ont essuyé, en 1992 et 1993, de lourdes pertes et une vraie humiliation qui les ont contraints à quitter le pays.
« La guerre » elle-même, qui oppose al-Qaïda aux États-Unis, n’a pas commencé le 11 septembre 2001 à New York, mais en 1998 par les attaques menées par al-Qaïda contre les ambassades américaines de Nairobi et de Dar es-Salaam.
Les États-Unis n’ont cessé depuis de chercher à prendre leur revanche et ont installé, dès 2002, une grande base militaire à Djibouti pour la surveillance et le contrôle de toute la région.
En ce début 2007, leur président a décidé de relancer la guerre en Irak et, simultanément, d’ouvrir en Afrique de l’Est un nouveau front.

L’an dernier, les États-Unis ont soutenu une coalition de « seigneurs de guerre » à Mogadiscio et lui ont donné des centaines de milliers de dollars pour tenter de mettre la main sur des membres d’al-Qaïda qui, selon eux, étaient impliqués dans les attentats de 1998 évoqués plus haut, ainsi que dans des attentats au Kenya contre des touristes israéliens.
Cette opération a tourné court lorsque les chefs de cette coalition, très impopulaires parmi les Somaliens, ont été vaincus par l’Union des Tribunaux islamiques, en juin. Les États-Unis se sont alors tournés vers le faible gouvernement somalien de transition et vers l’Éthiopie, leur allié régional, auquel ils ont demandé d’intervenir militairement ; ils ont financé l’offensive de l’armée éthiopienne.

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Les troupes éthiopiennes ont donc envahi la Somalie et contraint les islamistes, qui avaient étendu leur contrôle sur une grande partie du pays, à se retirer pour se réfugier dans le sud du pays, vers la frontière kényane.
Coincés dans un territoire exigu, refoulés vers la côte, les islamistes ont été soumis au feu des forces éthiopiennes – et au matraquage de l’aviation américaine.
Cela aura été la première intervention directe des États-Unis en Somalie depuis l’échec de l’opération « Restore Hope » dans les années 1990.
« C’était depuis le début l’objectif des États-Unis, explique un diplomate occidental en poste dans la région. Ils voulaient régler leurs comptes aux méchants. Ils avaient grassement payé les seigneurs de guerre pour faire le travail et quand ils ont constaté que ces derniers n’y arrivaient pas, ils ont utilisé l’Éthiopie et le gouvernement somalien de transition. »

Quoi qu’en disent Addis-Abeba et Washington, l’Union des Tribunaux islamiques n’est pas une entité monolithique ; on y trouve des modérés aussi bien que des extrémistes. Ces derniers, qu’on peut comparer aux talibans, furent, comme eux, bien accueillis au départ par la population, avant de se l’aliéner au bout de quelques mois.
À ce point du conflit, le problème pour les Américains est que les islamistes, et même des Somaliens d’autres sensibilités, pourraient se lancer dans une guerre de harcèlement contre les Éthiopiens, que beaucoup de Somaliens haïssent et considèrent déjà comme une force d’occupation.
Une vidéo attribuée à Aymen al-Zawahiri, numéro deux d’al-Qaïda, a lancé un appel en faveur d’une insurrection de type afghan ou irakien en Somalie.

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Autre perspective : que le gouvernement de transition ne soit pas à la hauteur et que la Somalie, qui n’a pas eu de vrai gouvernement depuis 1991, replonge dans la violence et les affrontements entre seigneurs de guerre.

Cette guerre entre al-Qaïda et les États-Unis, menée directement ou par pays et forces interposés, risque de faire de la Corne de l’Afrique un abcès de fixation : l’Éthiopie joue déjà en Somalie, pour les Américains, le rôle que joue l’Otan en Afghanistan. Et Djibouti celui du Qatar et du Koweït, bases arrière des armées américaines dans la guerre d’Irak.
Que fera l’Érythrée ? Quelles conséquences pour le Kenya ? L’Union africaine pourra-t-elle, si l’affrontement s’éternise, garder son siège dans la capitale d’un pays militairement engagé dans une guerre mal conçue et mal définie ?

Mal conçue et mal définie, cette guerre risque aussi de prendre corps ailleurs en Afrique : au Sahel et en Afrique du Nord. On a déjà soufflé sur les braises au Maroc, en Algérie et en Tunisie (demain, peut-être, en Libye), mais sans parvenir, jusqu’ici, à allumer le feu.
Dans chaque cas, on a cité le nom d’al-Qaïda.
L’organisation d’Oussama Ben Laden et d’Aymen al-Zawahiri est-elle à incriminer ?
Oui et non.

Je vous invite à lire notre enquête sur le salafisme en Afrique du Nord (pages 60-66).
Et vous prie de bien vouloir, si ma réponse à la question ci-dessus vous intéresse, attendre notre prochain numéro pour la lire à cette même place.

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