Renouveau tunisien

Après une décennie prolifique, entre 1985 et 1995, suivie d’une traversée du désert, le secteur retrouve sa vitalité. À l’image du film de Néjib Belkadhi, qui enthousiasme le public.

Publié le 15 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

« Un véritable phénomène de société », « un concentré de talent et d’émotions », « un grand moment de cinéma ». Les éloges se succèdent dans la bouche des spectateurs conviés le 31 décembre 2006 à une projection en avant-première – spécial blogueurs – à la salle L’Alhambra de La Marsa, dans la banlieue de Tunis, pour découvrir le film de Néjib Belkadhi. VHS Kahloucha est un documentaire de quatre-vingts minutes qui retrace l’histoire d’un peintre en bâtiment pas comme les autres. Moncef Kahloucha, c’est son nom, est un fou de cinéma qui tourne ses propres fictions en VHS avec l’aide de sa famille et des habitants du quartier populaire Kazmet, à Sousse. Il rêve de ressembler à Clint Eastwood dans Pour une poignée de dollars (1964), à Lee Van Cleef dans Le Bon, la brute et le truand (1966) ou encore à Bruce Lee dans La Fureur du dragon (1972).
Acteur, réalisateur, producteur, cascadeur, Kahloucha endosse tous les costumes et s’attaque à tous les genres : polar, western spaghetti, thriller… Il n’hésite pas non plus à mettre le feu dans la maison de ses voisins pour tourner une scène d’incendie. Exit les effets spéciaux, Kahloucha ne croit que ce qu’il voit. Le montage de ses films est effectué dans l’arrière-boutique d’un ami photographe, et les projections, toujours très attendues, sont organisées – par Kahloucha en personne – dans les cafés du quartier.
Touchés par l’histoire de ce passionné des films des années 1970 devenu marchand de rêves pour les habitants de son quartier, le jeune réalisateur tunisien Néjib Belkadhi et l’équipe de sa maison de production Propaganda Production décident de réaliser un documentaire autour de ce personnage hors du commun. À partir de mai 2003, le réalisateur suit, caméra au poing, les aventures de Kahloucha pendant qu’il achève le tournage de son dernier opus, un remake de Tarzan intitulé Tarzan des Arabes. Mais le documentaire, loin de n’être qu’un reportage sur Kahloucha, braque aussi les projecteurs sur la vie quotidienne dans le quartier Kazmet, ghetto frappé par le chômage, la précarité et le désuvrement de ses habitants, confrontés aux problèmes d’alcool et de violence. Avec peu de moyens – le documentaire n’a bénéficié d’aucun soutien de sponsors -, la jeune équipe de Propaganda Production est parvenue après un an de tournage et deux ans de montage à retracer la fabuleuse histoire de ce peintre en bâtiment et des habitants du quartier, tous plus sympathiques et plus attachants les uns que les autres. « Un tournage épuisant mais tellement intense », commente l’équipe de Néjib Belkadhi. Très vite, leur travail est récompensé. Le documentaire fait le tour des plus grands festivals internationaux. Il est sélectionné pour représenter la Tunisie au Festival de Cannes dans la section Cinéma du monde en 2006 et obtient le premier prix du film documentaire, le Muhr d’or, au Festival de Dubaï 2006. Une consécration pour l’équipe du film. À peine est-elle remise de ses émotions que VHS Kahloucha est sélectionné pour The Sundance Film Festival – considéré comme la principale manifestation du genre aux États-Unis – dont la prochaine édition se déroulera du 18 au 28 janvier 2007. Au siège de Propaganda Production, l’effervescence est à son comble. Feriel Chamari, la responsable de la communication, ne sait plus où donner de la tête d’autant que VHS Kahloucha est projeté depuis le 8 janvier 2007 dans les salles obscures tunisiennes.
Le succès du documentaire ne tient pas seulement à l’histoire de Moncef Kahloucha. La stratégie de communication de la maison de production y est pour beaucoup. C’est sur Internet que Propaganda a choisi de concentrer ses efforts. Une campagne webmarketing, orchestrée par Mehdi Touibi et Hela Heloui, a mis en ébullition toute la blogosphère tunisienne qui ne parle plus désormais que du phénomène Kahloucha. Mis à part le site officiel www.kahloucha.com, le premier dédié à un film en Tunisie, une multitude de blogs, à l’instar de celui de Zizou from Djerba, prennent le relais pour manifester leur engouement. VHS Kahloucha film culte ? C’est déjà l’avis des blogueurs tunisiens.

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