Quand le Maghreb bronze à Hammamet

Algériens et Libyens affluent dans les stations balnéaires de la côte tunisienne.

Publié le 15 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

En 2006, plus de 2,7 millions de touristes algériens, libyens marocains et mauritaniens ont passé leurs vacances en Tunisie. De nombreuses raisons expliquent cet engouement : proximité géographique, communauté de langue, connaissance des us et coutumes, absence de visa d’entrée, mais aussi modération du coût de la vie. Selon une récente étude du cabinet de conseil britannique Mercer Human Resource Consulting, Tunis est en effet l’une des villes les moins chères du monde (133e sur 144)…
Les Algériens viennent généralement en famille. Et les Libyens, seuls ou avec des amis. « Sans les parents, on peut s’amuser ici, explique Mansour, un jeune bachelier originaire de Tripoli. C’est un beau pays, on peut y boire de l’alcool et rencontrer des filles. » Attablés à ses côtés dans un café du quartier d’El-Manar 1, à Tunis, ses copains rigolent franchement. Redevenu sérieux, l’un d’eux enchaîne : « Ma mère va subir une intervention chirurgicale lourde dans à la polyclinique Taoufik, non loin d’ici. Elle est confiante, ce qui n’aurait sûrement pas été le cas chez nous. » Comme l’on sait, le système de santé et la qualité des soins laissent grandement à désirer dans la Jamahiriya libyenne… À El-Menzah, à El-Manar ou à El-Nasr, les voitures immatriculées en Libye sont si nombreuses qu’on se croirait presque à Tripoli ou à Benghazi. Mais les choses sont peut-être en train de changer.
Un million de touristes algériens ont en effet passé l’été dernier sur les côtes tunisiennes. Pour la première fois, ils ont été plus nombreux que les Libyens (800 000). « Depuis six ans, avec mes parents et mes cousins, on a pris l’habitude de venir à Nabeul, au nord-est du pays », raconte Khadidja, une Algéroise de 28 ans qui juge la qualité des services proposés « sans équivalent » dans son pays. Au programme : vie de famille, virées nocturnes entre amis et shopping à bas prix. Les jeunes mariés algériens sont également fort nombreux à roucouler du côté de Sousse, Monastir ou Hammamet. « Le rapport qualité-prix est imbattable ici », jubile Mohamed, qui, sur les conseils d’amis, a choisi de passer sa lune de miel dans un confortable hôtel 3 étoiles de Sousse. Et puis, Alger n’est qu’à une heure de vol de Tunis-Carthage…
Autre « cible » des autorités : les hommes d’affaires algériens, qui, venus en Tunisie pour leur travail, y retournent pour des vacances en famille. « Ils dépensent beaucoup et sont à l’origine d’une forte activité commerciale », constate le propriétaire d’un magasin de prêt-à-porter du quartier des Berges du Lac, à Tunis. « En pleine expansion, le phénomène est sans nul doute la conséquence directe l’intensification des échanges commerciaux entre nos deux pays », analyse un responsable de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT). À titre indicatif, le montant desdits échanges est passé de 170 millions de dollars en 2004 à 320 millions l’année suivante. Il a été de 112 millions au cours des quatre premiers mois de 2006, contre 76 millions pendant la même période de l’année précédente. Une soixantaine d’entreprises tunisiennes sont implantées en Algérie. Et une quarantaine d’algériennes en Tunisie.
Grands bénéficiaires de ce tourisme de proximité, les commerçants tunisiens se frottent les mains. Selon l’ONTT, chaque visiteur maghrébin dépense en moyenne 350 DT par semaine. « Ce sont de très bons clients, mes préférés », s’enthousiasme le gérant d’une sandwicherie de Hammamet, qui les juge même plus « rentables » que les Européens. Du coup, dans certaines stations balnéaires comme Tabarka (Nord-Ouest), une partie des commerces et des restaurants restent ouverts jusque tard dans la nuit pendant la saison estivale.
Les autorités tunisiennes multiplient quant à elles les campagnes de promotion en Algérie et en Libye. Elles envisagent par ailleurs de remettre en service la liaison ferroviaire entre Annaba, la grande ville de l’Est algérien, et Tunis, ainsi que la route maritime entre Alger et La Goulette, le port de Tunis. Enfin, la compagnie nationale Tunisair s’efforce de séduire les professionnels marocains, avec, par exemple, des séjours de découverte baptisés Éductour. Le potentiel de développement est énorme sur ce marché, les touristes marocains préférant généralement passer leurs vacances dans leur pays, ou, à défaut, dans l’Espagne voisine.

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