La Zambie, le premier défaut d’une longue série ?

Alors que le deuxième exportateur de cuivre du monde a demandé un délai de paiement de ses intérêts, le Tchad, le Congo et l’Angola sont eux aussi confrontés à de graves difficultés financières liées à la chute des prix du pétrole et à la pandémie.

Siège du FMI, à Washington. © Cliff Owen/AP/SIPA

Siège du FMI, à Washington. © Cliff Owen/AP/SIPA

Publié le 24 septembre 2020 Lecture : 4 minutes.

La Zambie sera-t-elle le premier État africain à ne pas pouvoir rembourser ses dettes après la crise du coronavirus ? Le 22 septembre, le deuxième producteur mondial de cuivre a demandé à ses créanciers privés de différer le paiement de leur intérêts jusqu’en avril. Ce report, qui représente une somme de 120 millions de dollars, concerne trois emprunts obligataires totalisant 3 milliards de dollars émis en 2012, 2014 et 2015.

Avant même la crise du Covid, les analystes savaient que la Zambie ferait face à de grandes difficultés

Le gouvernement a prévu de présenter sa feuille de route aux investisseurs concernés le 29 septembre. Il faudra à Lusaka l’accord des deux tiers d’entre eux pour mettre en application son projet. Le taux d’endettement du pays a fortement augmenté ces dernières années en raison d’importants projets d’infrastructures. Il atteignait 88 % du PIB en 2019 contre 32 % en 2014 selon l’agence Fitch Ratings.

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« Avant même la crise du coronavirus, les analystes prévoyaient déjà que la Zambie ferait face à de grandes difficultés pour s’acquitter de ses engagements, mais l’inquiétude portait plutôt sur 2022 », confie un financier proche du dossier interrogé par Jeune Afrique.

Le FMI veut plus de transparence

L’an dernier, le déficit budgétaire zambien avait atteint 9 %, alors que la dépréciation de sa devise, le kwancha, qui s’est poursuivie en 2020, rendait déjà le remboursement de la dette de plus en plus onéreux. En dépit de la remontée des cours du cuivre depuis mars, les autorités anticipent cette année une récession de 3,5 % en raison de la crise économique entraînée par la pandémie.

En mai, le président s’était attaché les services de la banque Lazard dans l’espoir d’arracher un accord avec le FMI. En vain. Incapable malgré les avertissements de freiner sa politique de grands travaux, Lusaka n’a pas obtenu le quitus de l’institution, qui lui a même refusé une aide d’urgence, persuadée qu’elle ne servirait qu’à rembourser les créanciers du pays. Pour intervenir, le FMI exige également davantage de transparence sur la structure de la dette – qui s’élèverait au total à 11,7 milliards de dollars, dont au moins 3 milliards détenus par la Chine.

Edgar Lungu voudra gagner du temps pour pouvoir se présenter à l’élection d’août 2021

Le scénario idéal pour la Zambie consisterait à réussir à faire patienter quelques créanciers privés, d’aboutir à un accord avec la Chine – qui a donné son aval pour un moratoire dans le cadre de l’initiative lancé par le G20 et le Club de Paris –, avant de revenir négocier avec le FMI.

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« Je ne pense pas que cela soit réaliste. Les technocrates ne semblent pas sur la même ligne que le président Edgar Lungu, qui pourrait être tenté de prendre des mesures dilatoires afin de pouvoir se présenter à l’élection d’août 2021 sans avoir à reconnaître l’échec de sa politique », concède notre source. À la fin de 2018, la Cour constitutionnelle l’avait autorisé à briguer un troisième mandat.

Le Tchad est en discussion avec Glencore et d’autres créanciers pour obtenir des délais de paiements

Misère des pays pétroliers

D’autres pays connaissent aussi des situations budgétaires très difficiles qui pourraient les conduire à un défaut de paiement. Après avoir déjà obtenu une restructuration de sa dette vis-à-vis de ses prêteurs en 2018 et des aides d’urgence du FMI cette année, le Tchad est par exemple à nouveau en discussion avec Glencore et d’autres créanciers pour obtenir des délais de paiements.

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Au Congo, l’échec des discussions avec les traders Glencore et Trafigura – qui détiennent une partie des 10 milliards de dollars de dettes extérieures du pays –, et le report en décembre 2019, puis en juillet 2020, des déboursements de l’aide du FMI ont obligé Brazzaville à se tourner vers des banques locales pour obtenir un peu d’oxygène. Mené par BGFI, le pool bancaire apportera 460 millions d’euros destinés à payer une partie de la dette intérieure du pays estimée à 2,6 milliards d’euros.

Là encore, le pouvoir n’a semble-t-il pas voulu accéder aux exigences du FMI en matière de restructuration de sa dette et surtout de transparence alors que le président Denis Sassou Nguesso, 76 ans, entend décrocher un quatrième mandat en mars 2021 et que le pays connaîtra une récession prévue à 8,6% du PIB cette année, selon le FMI.

Le FMI a approuvé le versement de 1 milliard de dollars supplémentaires à l’Angola

L’Angola est lui aussi dans le viseur des analystes. Comme le Tchad et le Congo, le pays est confronté à la chute des prix du pétrole et aux conséquences économiques de la pandémie, qui s’ajoutent à la baisse de 22 % par rapport au dollar de sa devise, le kwanza, depuis le début de l’année.

Si de nombreux observateurs jugent sa dette insoutenable (120% du PIB), le pays continue cependant de recevoir un important soutien du FMI qui, au-delà des réformes restant à mener, se satisfait des efforts du gouvernement pour améliorer l’environnement des affaires et lutter contre la corruption. Le 16 septembre, le conseil d’administration de l’institution a d’ailleurs approuvé le versement de 1 milliard de dollars, ajoutant 750 millions de dollars supplémentaires au programme de 3,7 milliards de dollars signé en décembre 2018.

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