Toutes les richesses de Mayotte dans un beau livre
De la vision croisée du photographe Thierry Cron et de l’écrivain mahorais Nassouf Djailani est né un livre somptueux sur l’âme de « l’île aux parfums ».
La France possède depuis plusieurs siècles deux îles dans l’océan Indien. De la Réunion, on connaît ses cirques et son lagon. De Mayotte, bien peu de choses, en dehors des émeutes qui secouent périodiquement l’archipel et des clandestins anjouanais que Paris renvoie régulièrement chez eux.
C’est d’ailleurs pour redorer l’image du 101e département français que l’Office mahorais du tourisme avait invité, il y a quelques années, le photographe Thierry Cron à venir découvrir un territoire que lui non plus ne connaissait pas.
Et le globe-trotteur s’est vite laissé enivrer par « l’île aux parfums ». Au point qu’ayant cru tomber dans les clichés les plus faciles, d’avoir péché par naïveté, il a préféré garder un temps ses photos dans un tiroir. Avant d’oser un jour les montrer à l’écrivain mahorais, Nassouf Djailani qui, redécouvrant son île à travers le regard neuf du photographe a voulu mettre ses mots sur les images.
Inventaire à la Prévert
De cette vision croisée entre « celui qui sait » et « celui qui voit », est sorti un de ces beaux livres dont le monde de l’édition de la métropole s’est longtemps montré si avare à accorder à ce confetti de la république. Une injustice que s’attachent à réparer page après page les deux auteurs, avec pour seul parti pris de montrer les richesses ancestrales de l’archipel plutôt que ses misères passagères.
Intitulé L’âme d’une île, l’ouvrage effeuille l’un après l’autre les différents particularismes sociaux, religieux, linguistiques ou artistiques qui font la singularité de Mayotte et de sa population, même au sein de l’archipel des Comores dont l’île fait géographiquement partie.
Une sorte d’inventaire à la Prévert en shimaoré qui, du walozi, le pêcheur du récif, au Manzaraka, cette cérémonie du mariage digne des milles et une nuits, énumère justement tous ces petits suppléments d’âme hérités des multiples influences – bantoues, arabes, malgaches… – qui se sont croisées dans le canal du Mozambique pour venir se fondre ici.
Patrimoine menacé
Tout au long des presque 200 pages, Thierry Cron et Nassouf Djailani font plonger le lecteur dans les eaux bleues du plus grand lagon de la région, ainsi que dans un présent toujours ancré au quotidien dans la tradition du passé.
Pour combien de temps ? Les deux compères ne se contentent pas de nous saisir la main pour nous éblouir par tant de lumière et de couleurs. Ils semblent surtout vouloir nous prendre à témoin de la nécessité de conserver tout un patrimoine, tout un imaginaire, menacés de disparition sous les coups répétés de la mondialisation en marche.
« Naître ici… », insiste Nassouf Djailani dans sa préface. En espérant que la jeunesse mahoraise saura se saisir de son histoire pour résister face à la violence du temps. Même s’il passe ici plus lentement qu’ailleurs.
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