Nkunda, général trublion

Le gouvernement congolais vient de renouer le dialogue avec le chef de l’armée dissidente, qui entretient l’insécurité dans l’est du pays.

Publié le 15 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

Il manie la Bible aussi bien que le fusil. Pasteur évangélique, Laurent Nkunda célèbre des messes tous les dimanches. Mais c’est en soldat rompu aux combats que ce général dissident fait davantage parler de lui. À la tête d’une milice de 2 000 combattants retranchée dans le Nord-Kivu, à l’est du pays, Nkunda affronte depuis plus de deux ans les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) au nom de la défense de la minorité rwandophone. À l’heure où le pays, en voie de démocratisation, cherche à assurer la sécurité sur l’ensemble de son territoire, beaucoup se demandent si les agissements du général répondent à un idéal identitaire ou ne sont pas plutôt un moyen de se poser en interlocuteur incontournable du pouvoir.

Laurent Nkunda, né en 1967 dans le Masisi (Nord-Kivu), est de ces Tutsis congolais d’ascendance rwandaise qui, au lendemain de la victoire de Paul Kagamé à Kigali, en 1994, traversent la frontière pour intégrer son armée. Devenu sergent dans l’Armée patriotique rwandaise (APR), il participe, en septembre 1996, au renversement du maréchal Mobutu Sese Seko. Nkunda, qui se montre particulièrement actif dans la traque des « génocidaires » hutus rwandais lancée par l’APR et l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL, de Laurent-Désiré Kabila), change d’alliés en 1998. Il rejoint le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), la rébellion armée appuyée par Kigali et qui combat Laurent-Désiré Kabila.
Après avoir commandé la région militaire de Kisangani contrôlée par le RCD, Nkunda revient à Goma. Suite aux accords politiques consécutifs au Dialogue intercongolais prévoyant le brassage des différents groupes armés dans une même unité nationale, il est promu général de brigade au Nord-Kivu. S’il accepte la promotion, Nkunda refuse de se rendre à Kinshasa où il doit prêter serment devant Joseph Kabila, commandant suprême de l’armée. Refus de faire allégeance au président ou injonction rwandaise ? Les interprétations divergent. L’intéressé, quant à lui, avance que la réforme de l’armée congolaise manque de propositions sérieuses. Il signe là sa propre exclusion.
En juin 2004, à la tête d’un groupe militaire, il prend d’assaut Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, avec son camarade le colonel Jules Mutebesi. Prétexte invoqué : « prévenir le génocide de Tutsis » dans la région. Depuis, le général dissident se présente comme l’homme qui cherche à garantir la sécurité des Tutsis et de la communauté rwandophone de l’est du pays. Nkunda entend lutter contre la « xénophobie » dont sont victimes, selon lui, les Congolais rwandophones. Depuis septembre 2005, ce proche du régime de Kigali est sous le coup d’un mandat d’arrêt international lancé par le gouvernement pour crimes de guerre et atteintes graves aux droits de l’homme. Il lui est également reproché d’avoir, en mai 2002, alors qu’il commandait la septième brigade des forces du RCD, brutalement réprimé une mutinerie à Kisangani. Bilan : 160 personnes exécutées sommairement. Nkunda a réussi par ailleurs à convaincre la 81e et la 83e brigade de l’armée congolaise de refuser tout brassage et toute mutation ailleurs que dans le Nord-Kivu, afin, semble-t-il, de constituer une soupape de sécurité pour les rwandophones. Lui-même, avant d’être exclu de l’armée, ne voulait pas servir ailleurs.

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Aujourd’hui, en dépit du mandat d’arrêt international, Nkunda jouit d’une certaine liberté de circulation, allant et venant entre l’est du pays et le Rwanda sans que rien ni personne ne puisse l’inquiéter. Le 26 novembre dernier, il attaque la localité de Sake, à 25 km de Goma. Lasses et soucieuses de rétablir l’ordre à l’intérieur du pays, les autorités congolaises viennent de relancer, sous les auspices du Rwanda, le dialogue avec Laurent Nkunda. Le protecteur autoproclamé de la minorité rwandophone, qui a créé une structure politique, le Conseil national du peuple (CNDP), a gagné son pari : celui de se faire reconnaître comme un chef politico-militaire. Pour accéder aux fastes du pouvoir ?

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