Mystère à Gaborone

Avec ce polar à l’ironie grinçante, la Botswanaise Unity Dow confirme son talent de narratrice.

Publié le 15 janvier 2007 Lecture : 2 minutes.

Une chose est sûre : Unity Dow (47 ans), qui fut la première femme juge de la Cour suprême du Botswana, possède un incontestable talent de narratrice. Son deuxième roman, Les Cris de l’innocente, traduit en français en 2006, mêle avec bonheur suspense, rebondissements, critique sociale, analyse politique Et la romancière n’a pas choisi la facilité : dès le premier chapitre, le lecteur connaît le nom des assassins. Mieux, il sait presque tout de leur vie, racontée avec une ironie grinçante. À propos de l’entrepreneur M. Disanka, Unity Dow écrit ainsi : « C’était également un bon amant. Il venait d’offrir à sa maîtresse, Maisy, une Toyota Hilux simple cabine à deux roues motrices. [] Sa femme conduisait une Toyota Hilux double cabine ; il n’aurait pas été convenable que sa maîtresse en possède également une. »
Au bout de cinquante pages, quand on rencontre la jeune Amantle Bokaa, on n’ignore donc plus grand-chose des trois meurtriers d’une fillette, Neo Kakang, « dévorée par des lions » selon la version officielle de la police Pourtant, le suspense reste entier. Comme Amantle qui découvre dans le dispensaire où elle travaille une boîte contenant des vêtements souillés de sang, comme les villageois à qui les autorités cachent la vérité depuis des années, on veut savoir quel fut le destin de l’innocente, sans doute sacrifiée pour les besoins d’un rituel. Et quand on sait enfin, quand on parcourt les lignes fatidiques, on voudrait que la vérité ne fût pas aussi cruelle, on aimerait que certains mots n’existent pas.
Le Botswana d’Unity Dow, où elle se bat chaque jour pour plus de justice – elle est membre, entre autres, de l’International Women’s Right Watch -, ne se réduit pas aux magnifiques paysages de l’Okavango. C’est un pays rongé par la corruption et laminé par le sida. Unity Dow lutte depuis des années pour améliorer la condition féminine et la protection des mineurs. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les héros de ses romans sont plutôt des héroïnes. Pour autant, les considérations politiques ne ralentissent jamais le développement de l’intrigue et n’empêchent pas le réalisme acide des portraits. Et c’est avec entrain que l’on découvre, en avançant vers la vérité, une galerie de personnages tantôt effrayants, tantôt hilarants. Ainsi en est-il du fonctionnaire Nnono qui mange des chewing-gums et de la mayonnaise pour cacher son haleine tabagique. « Ça l’ennuyait de penser qu’avant de mourir d’un cancer lié au tabac, il aurait la bouche pleine de dents cariées à cause du sucre contenu dans les chewing-gums, et son derrière déborderait de sa chaise à cause de toute la mayonnaise qu’il aurait ingérée. Il se disait que si on pouvait lui assigner de véritables tâches de policier, il aurait l’occasion de marcher, de se dépenser et de moins fumer. » Quelques lignes qui traduisent bien l’esprit d’un polar ironique et lucide.

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