Le téléphone prend l’air

Il sera bientôt possible d’utiliser son portable à bord d’un avion. Une perspective qui ne fait pas l’unanimité parmi les transporteurs aériens.

Publié le 15 janvier 2007 Lecture : 4 minutes.

Vous ne pourrez bientôt plus échapper aux sonneries stridentes des téléphones portables et aux conversations tonitruantes qui parfois les accompagnent. Plus aucune région au monde, pas même le pôle Nord, ne sera épargnée, du moment qu’elle est survolée par un avion de ligne. La société OnAir, soutenue par le constructeur aéronautique Airbus, commence en effet à équiper les compagnies aériennes européennes du matériel nécessaire. Elle construit des micro-stations de transmission nommées « picocells », qui prennent en charge les signaux émis ou reçus par les portables dans les avions pour les faire transiter par un satellite, ce qui évite qu’ils créent des interférences avec les réseaux cellulaires de la surface de la Terre. Ce sont ces perturbations, plutôt que les interactions avec les équipements de bord, couramment invoquées par les compagnies aériennes, qui interdisaient jusqu’alors de téléphoner en avion.
Les problèmes techniques sont donc résolus. Désormais, en Europe, les systèmes sont en phase d’homologation par les autorités de régulation des télécoms de chaque pays. Elles vont définir les fréquences autorisées, ce qui permettra ensuite aux directions nationales de l’aviation civile de délivrer des autorisations d’exploitation aux compagnies aériennes. Selon OnAir, toutes les procédures seront achevées à temps pour permettre à Air France de lancer, au début de 2007, le premier service de téléphonie en vol sur un Airbus A-318. La compagnie à bas coûts Ryanair devrait lui emboîter le pas. Début septembre 2006, elle a décidé d’équiper l’intégralité de sa flotte de Boeing 737.
Reste à savoir combien les passagers sont prêts à payer pour téléphoner depuis les nuages. OnAir a donc procédé à des sondages. Selon les derniers résultats, si 80 % des personnes interrogées estiment que c’est une bonne chose de pouvoir téléphoner à bord d’un avion, seulement 54 % des hommes d’affaires et 41 % des touristes ont l’intention d’utiliser ce service étant donné son coût. George Cooper, le patron d’OnAir, note que, au-dessus de 3 dollars la minute, le nombre de volontaires diminue considérablement. Il estime que le prix qui sera pratiqué par des compagnies telles qu’Air France, Ryanair ou encore TAP Air Portugal, lorsqu’elles lanceront ces services, s’élèvera à 2,50 dollars la minute. Un montant qui devrait baisser de 10 % par an pendant les cinq années suivantes.
L’avenir est moins radieux pour AeroMobile, le rival américain d’OnAir. United et Delta, les deux principales compagnies aériennes des États-Unis, n’ont pas l’intention de s’équiper. D’après elles, leurs clients ne veulent pas d’un tel système. Une affirmation qui repose, entre autres, sur les milliers de réactions négatives reçues par la Federal Communications Commission (FCC), l’autorité américaine de régulation du secteur, quand, au début de l’année 2006, elle a procédé à une consultation du public, selon la procédure courante. À quoi s’ajoutent les résultats d’une enquête menée au sein de l’association des personnels navigants commerciaux (Association of Flight Attendants). Elle révèle que 63 % des hôtesses et stewards estiment qu’il faut en rester à la situation actuelle, où il est interdit d’utiliser son téléphone portable en avion. Dans le cas contraire, ils sont 68 % à estimer que leur travail numéro un sera de maintenir le calme dans les avions, par exemple en rappelant à l’ordre les passagers qui crient dans leur appareil. En bas de la liste de leurs préoccupations, les terroristes, cités par seulement 2 % des professionnels interrogés.
Face à une telle résistance, la société AeroMobile s’est tournée vers l’Asie. Alliance entre Arinc, constructeur de systèmes de communication embarqués, dont Boeing est actionnaire, et l’opérateur norvégien de télécoms Telenor, elle devrait bientôt équiper la compagnie australienne Qantas et un autre transporteur asiatique, dont le nom n’a pas encore été révélé. « Ce sont les grands spécialistes des vols au-dessus des océans, ce qui, pour nous, présente l’avantage qu’ils échappent aux problèmes créés par les régulateurs de télécommunications », explique Peter Tuggey, PDG d’AeroMobile, cité par The Economist. Sur cette question, le très sérieux hebdomadaire économique britannique prend une position éminemment conservatrice. Il estime que l’avenir du téléphone dans les avions se trouve uniquement dans les compagnies low-cost. Et d’ajouter : « Les clients les choisissent pour leurs prix, pas pour la tranquillité à bord. La perspective de conversations téléphoniques multiples et bruyantes ne devrait dont pas les empêcher de choisir Ryanair ou une autre low-cost. » Une position encore plus étonnante si l’on rappelle que le Royaume-Uni, avec autant d’utilisateurs de GSM que d’habitants (61 millions), affiche le troisième taux d’équipement au monde (100 %), derrière Taiwan (111 %) et Hong Kong (127 %). Les Britanniques aiment leur téléphone, il n’y a vraiment aucune raison de les priver de l’utiliser en toutes circonstances.

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