La Cour africaine ordonne que Laurent Gbagbo soit réintégré sur la liste électorale

La Cour africaine de justice désavoue la Côte d’Ivoire, lui ordonnant de réintégrer l’ex-président sur la liste électorale pour la présidentielle du 31 octobre.

Laurent Gbagbo à La Haye, à l’issue d’une audience de la CPI, le 6 février 2020. © Jerry Lampen/AP/SIPA

Laurent Gbagbo à La Haye, à l’issue d’une audience de la CPI, le 6 février 2020. © Jerry Lampen/AP/SIPA

Publié le 25 septembre 2020 Lecture : 3 minutes.

Dans son jugement, la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) ordonne à l’État ivoirien de « prendre toutes mesures nécessaires en vue de lever immédiatement tous les obstacles empêchant le requérant (Laurent Gbagbo) de s’enregistrer sur la liste électorale ».

L’ex-chef d’État (2000-2010) ne figure pas sur les listes électorales révisées cette année, il ne peut donc ni voter, ni être candidat.

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Mi-septembre, le Conseil constitutionnel ivoirien a rejeté la candidature de Laurent Gbagbo à la présidentielle. Cette candidature avait été déposée par ses partisans, lui-même ne s’étant pas exprimé sur le sujet.

Selon les autorités ivoiriennes, cette décision a fait suite à la condamnation de Laurent Gbagbo par la justice ivoirienne à 20 ans de prison, dans l’affaire dite du « braquage de la BCEAO », la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest, lors de la crise post-électorale de 2010-2011.

Le Conseil constitutionnel a aussi argué que le dossier de Laurent Gbagbo ne comprenait pas une déclaration signée de sa main faisant acte de candidature. Et il n’a par ailleurs pas renoncé à son poste de membre de droit du Conseil constitutionnel en tant qu’ancien président de la République, ce qui selon le Conseil, l’empêche de se présenter.

Saisie par Laurent Gbagbo début septembre, la Cour africaine qui siège à Arusha (Tanzanie), ordonne également à l’État ivoirien de « suspendre la mention de la condamnation pénale du casier judiciaire ».

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« Provocation »

L’avocat de Laurent Gbagbo, Maître Claude Maintenon, s’est dit « satisfait » du jugement, tout en notant que « l’application dépend du bon vouloir de l’État ».

Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement ivoirien, Sidi Touré, a jugé pour sa part que la CAHDP « est dans sa logique d’attenter à la souveraineté de l’État » ivoirien. « Les questions électorales relèvent de notre souveraineté nationale », a-t-il insisté.

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Acquitté en première instance de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale de La Haye, Laurent Gbagbo, 75 ans, attend en Belgique un éventuel procès en appel. Il ne peut pas rentrer en Côte d’Ivoire, les autorités ivoiriennes refusant, selon ses avocats, de lui délivrer un passeport.

Le Conseil constitutionnel ivoirien a refusé 40 des 44 candidatures à la présidentielle d’octobre dont celle de Laurent Gbagbo et celle de l’ex-chef rebelle et ex-Premier ministre Guillaume Soro.

Elle a en revanche validé la candidature controversée à un troisième mandat du président sortant Alassane Ouattara.

Il y a dix jours, la CADHP a demandé à la Côte d’Ivoire de permettre la candidature de Guillaume Soro, refusée par la Cour constitutionnelle ivoirienne après sa condamnation à 20 ans de prison pour « recel de détournement de deniers publics ». Il est aussi accusé de « tentative d’insurrection ».

« Soro, comme Gbagbo, a été écarté car son casier judiciaire n’est pas vierge. Tous deux le savaient parfaitement : leurs candidatures relèvent de la provocation », a déclaré Alassane Dramane Ouattara dans un entretien publié jeudi par l’hebdomadaire français Paris Match.

Tension

La tension politique est forte en Côte d’Ivoire à un peu plus d’un mois du scrutin présidentiel. Il y dix ans, la crise née de l’élection de 2010, après le refus de Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite face à Alassane Ouattara, avait fait 3 000 morts.

En août, une quinzaine de personnes ont été tuées dans des violences après l’annonce de la candidature d’Alassane Ouattara, qualifiée de « forfaiture » par l’opposition.

Accusant la Cour africaine de porter « atteinte à la souveraineté de la Côte d’Ivoire », Abidjan lui a « retiré sa déclaration de compétence » en avril et de fait se désintéresse depuis des décisions de la Cour.

Ce retrait était intervenu après que la CADHP eut ordonné de suspendre les procédures judiciaires à l’encontre de Guillaume Soro, qui l’avait saisie.

Abidjan reste cependant juridiquement lié à ses décisions. La Cour note en effet dans son jugement que le retrait de compétence ne devient effectif qu’à « l’expiration du délai d’un an », soit à partir d’avril 2021.

Et ce retrait de compétence signifie seulement que l’État ivoirien ne permet plus à la Cour de « recevoir des requêtes d’individus et d’organisations non-gouvernementales ».

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