Inde : émergence sous conditions

Publié le 15 janvier 2007 Lecture : 2 minutes.

L’Inde jouit de nombreux avantages : une population anglophone ; une société ouverte, démocratique et une très nombreuse main-d’uvre sous-payée. Mais l’énormité des chiffres est aussi la source d’énormes problèmes : 400 millions d’analphabètes, au moins 260 millions de personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour. En outre, la survivance d’un système de castes freinant la mobilité sociale, une tradition de petite corruption, une bureaucratie oisive et qui en prend à son aise, une infrastructure délabrée et des ressources en eau et en énergie excessivement sollicitées constituent autant d’entraves au progrès de l’Inde.
Le Parti du Congrès a été porté au pouvoir en 2004, notamment par la désaffection des millions de laissés-pour-compte de l’expansion économique. Il a adopté un ambitieux programme de garantie de l’emploi rural qui promet un emploi public à au moins un membre valide de chaque famille, principalement dans les routes, la distribution de l’eau, l’assainissement et le ramassage des ordures. Les milieux d’affaires regardent avec circonspection un plan qui leur rappelle de trop près le socialisme auquel l’Inde a renoncé en 1991.
« Les routes construites par l’État sont défoncées dès la première mousson », dit Mohandas Pai, directeur financier de Infosys Technologies, à Bangalore, à quelque 2 000 kilomètres au sud de Delhi. Le complexe d’Infosys, construit sur un terrain de 40 hectares, est une vitrine de niveau national du potentiel indien. C’est une oasis de verdure en plein milieu d’une ville congestionnée par la circulation et accablée par la sécheresse. Il emploie 16 000 personnes (âge moyen 27 ans) qui utilisent pour leurs déplacements des bicyclettes gratuites ou des voitures de golf. Avec sa piscine, sa salle de sports, ses rangées de restaurants et sa librairie, le complexe tient plus du campus universitaire que d’une entreprise enregistrant 2,1 milliards de dollars de chiffres d’affaires, contre 10 millions de dollars il y a onze ans. En dépit de son évidente importance pour l’Inde, Infosys réalise 98 % de ses ventes dans d’autres pays.
Lorsque l’Inde s’est libérée du Royaume-Uni en 1947, Winston Churchill risqua cette prédiction qu’elle ne resterait jamais d’un seul tenant. Dans un pays riche de 1 640 langues et dialectes, de 75 partis politiques et d’innombrables religions, l’idée d’une « Indianité » ne s’imposait guère. C’est dire si la stabilité relative de l’Inde pourrait bien être sa plus remarquable réalisation.
Cette stabilité est toutefois constamment menacée par des voisins à problèmes – l’Inde a une frontière commune avec le Pakistan, le Bangladesh, le Myanmar et le Népal – et par des tensions internes encore exacerbées par une population qui ne cesse de croître. Le patron et fondateur d’Infosys lui-même, Nararyana Murthy, concède que tous ces jeunes dont l’Inde est si fière pourraient la tirer vers le bas si rien n’est fait pour remédier à l’analphabétisme, la pauvreté et la maladie. « Le dividende démographique pourrait devenir une catastrophe démographique. » L’avènement de l’Inde comme puissance mondiale suppose qu’elle trouve le moyen de réconcilier la croissance et la justice sociale.

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