Un second souffle pour la démocratie

Cinq ans après l’avoir adoptée, l’OIF dresse le bilan de la Déclaration de Bamako instaurant son implication politique dans la gestion des crises.

Publié le 15 novembre 2005 Lecture : 4 minutes.

Sur les rives du fleuve Niger, les 250 participants du deuxième symposium international sur les pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone l’ont répété à l’envi du 6 au 8 novembre : Bamako est l’endroit idéal pour parler de pluralisme. Si le Mali se débat en ce moment dans les chicaneries politiques, au moins, le « virus » de la révision constitutionnelle ne l’a pas atteint. C’est la raison pour laquelle l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) y est revenue, pour que les États membres dressent le bilan de la désormais célèbre Déclaration de Bamako. Signée le 3 novembre 2000, elle consacrait le lien étroit entre démocratie et développement, en donnant à l’OIF un rôle politique jusqu’alors inédit.
Cinq ans plus tard, le deuxième symposium a conclu ses débats en faisant l’amer constat des nombreuses difficultés qui subsistent sur le chemin de la démocratie. Une série de recommandations a été adressée au secrétaire général, Abdou Diouf : améliorer l’efficacité du dispositif d’alerte précoce et de prévention ; intervenir plus efficacement chaque fois que les droits de l’homme sont violés ; et renforcer la culture démocratique en soutenant les initiatives de la société civile qui vont dans ce sens.
À Bamako, les responsables de l’OIF n’ont pas hésité à dresser un bilan en demi-teinte de leurs actions. Jusque dans leurs regrettables échecs, comme en témoignent les nombreuses crises qui ont bouleversé – et bouleversent parfois encore – un nombre important de pays (Côte d’Ivoire, Togo, Mauritanie, Haïti, pour les plus graves). Sans forfanterie, l’OIF n’en a pas moins voulu se féliciter de deux évolutions qu’elle espère irréversibles : elle est aujourd’hui reconnue, en son sein et à l’extérieur, comme un acteur à part entière de la vie politique internationale ; et elle a réussi à faire admettre à tous ses membres (sauf le Vietnam et le Laos) le principe théorique du pluralisme politique.
La croisade avait été rude et longue, il y a cinq ans, pour faire adopter le texte et ses principes « révolutionnaires » au sein du « petit machin ». Ils étaient nombreux, du Vietnam à la Tunisie en passant par le Canada, à voir d’un mauvais oeil cette organisation – historiquement réduite aux questions culturelles et linguistiques – s’impliquer dans le champ du politique. La « Francophonie de papa » se transformait en adoptant des mesures radicales, comme la suspension de tout pays qui violerait les termes de la Déclaration. Non sans grincements de dents.
Aujourd’hui, sous la tutelle d’Abdou Diouf, l’OIF prend son rôle de « gendarme du dialogue » tout autant au sérieux que celui de « professeur de français » ou de défenseur acharné de la diversité culturelle. Si les moyens sont encore faibles, la Délégation aux droits de l’homme et à la démocratie de l’OIF (DDHD) a été renforcée. De sept membres en 2000, elle est passée aujourd’hui à une vingtaine de permanents. Pour donner sa pleine efficacité au dispositif du chapitre V de la Déclaration sur le suivi des pratiques de la démocratie, un Observatoire du même nom a été mis en place en 2004.
Les efforts portent leurs fruits, estime Abdou Diouf : « Nous avons été les premiers à condamner le Togo en mars 2005, sans pour autant couper le dialogue avec les autorités. La Mauritanie est aussi un exemple parlant. Nous avons appliqué des sanctions que nous avons levées lorsque le pouvoir intérimaire s’est engagé à ne pas participer aux futures élections. Nous avons des experts qui travaillent toujours avec les autorités mauritaniennes. S’ils ont besoin d’aide pour rédiger une Constitution, nous sommes prêts à la leur fournir. »
De fait, l’OIF se construit petit à petit un rôle de vigie de la démocratie, consciente de ses moyens de pression somme toute limités, en raison de conceptions différentes des « droits de l’homme » qui ont cours dans ses pays membres. Réaliste, également, vis-à-vis de ses problèmes internes.
Longtemps obnubilée par sa réforme institutionnelle, elle a commencé par redéfinir, en 2004, ses objectifs lors du sommet de Ouagadougou avec l’adoption d’une stratégie décennale. L’heure est aujourd’hui à la réforme. AUF, OIF, AIF, APF, CPF, TV5… autant de structures qui doivent, selon le secrétaire général, gagner en cohérence. Ce sera l’objet de la réunion ministérielle d’Antananarivo des 22 et 23 novembre, où l’on étudiera une proposition de nouvelle Charte de la francophonie. En s’appuyant sur une architecture plus hiérarchisée, le secrétaire général souhaite pouvoir prendre la mesure de son action, grâce à des instances qui appliquent ses décisions.
En attendant les changements en profondeur, le symposium de Bamako s’est conclu sur un pis-aller. En matière de droits de l’homme et de démocratie, il faut parfois se contenter de peu. C’est pourtant une grande victoire, déjà, que le principe de la Déclaration de Bamako n’ait pas été remis en question depuis son adoption. Et une satisfaction de voir les représentants de certains pays, farouchement opposés à l’intrusion de la société civile dans les réunions internationales, s’exprimer sur le nécessaire respect des droits humains.

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