Turbulences maximales

Toutes deux destinées à être privatisées, Cameroon Airlines et Air Gabon tentent d’éviter le crash.

Publié le 16 novembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Le ciel d’Afrique centrale plein d’incertitudes. C’est particulièrement vrai au Gabon, où l’avenir de la compagnie nationale créée en 1977 fait toujours l’objet d’âpres négociations entre les autorités et la Royal Air Maroc (RAM). Avec des dettes estimées à 25 milliards de F CFA, des appareils cloués au sol en raison de pannes moteurs et des effectifs pléthoriques, Air Gabon vit sous perfusion depuis des années. Seule la générosité de l’État, unique actionnaire, lui a permis d’échapper au crash.En juin dernier, le gouvernement a repris à son compte l’intégralité de la dette et assuré le paiement des 1 100 salariés. En septembre, il a une nouvelle fois mis la main à la poche pour louer un Airbus A-330 afin de reprendre les liaisons avec la France, interrompue trois mois plus tôt. « Tous ces efforts ont été consentis pour donner meilleure allure à la mariée, fait remarquer un proche du dossier, mais l’éventuel époux se montre très exigeant. » Le contrat de mariage prévoit une liquidation de la compagnie actuelle puis la création d’Air Gabon International, entité qui sera détenue à 51 % par la RAM. Mais les discussions butent sur de nombreux points. En fait, la compagnie chérifienne semble surtout intéressée par les droits de trafic avec l’Europe (70 % du chiffre d’affaires) et exigerait l’exclusivité sur douze années, contre quatre proposée par la partie gabonaise. Les pourparlers achopperaient aussi sur la taille de la flotte, sa maintenance, ainsi que sur le nombre d’employés. « Seuls 270 agents navigants conserveraient leur poste. C’est insuffisant et nous n’avons aucune garantie pour le personnel au sol », s’insurge Maixent Hubert Ndong Odzame, le patron du Syndicat du personnel d’Air Gabon (Sypag). « Nous ne faisons qu’énoncer les conditions de rentabilité de la future compagnie. Seule sa pérennité nous intéresse, pas ses dividendes », assure-t-on du côté de Rabat. Coup de bluff ou revirement stratégique, l’État gabonais a fait savoir qu’il était prêt à étudier d’autres offres de reprise. Mais il y a très peu de chances qu’une décision soit prise avant la présidentielle du 27 novembre. La compagnie va donc devoir attendre 2006 pour connaître son sort.
Au Cameroun, la situation n’est pas plus enviable. La suspension des vols de Cameroon Airlines en France prononcée le 16 septembre dernier pour « raison de sécurité » n’a fait qu’alimenter une inquiétude légitime quant à l’avenir d’une compagnie dont les dettes avoisinent les 73 milliards de F CFA. Cette interdiction a été levée le 4 novembre, mais l’on peut s’interroger sur le bien-fondé de cette décision prise par les autorités françaises plusieurs semaines après avoir relevé des « manquements aux normes internationales ». Les audits à répétition subis par la Camair ont de quoi heurter la fierté des Camerounais. Et les injonctions parisiennes ont été ressenties comme un véritable diktat. D’où les manifestations de colère sur le tarmac de Douala. Le temps de la suspension, il a fallu affréter à grands frais un appareil de la compagnie Air Italy pour maintenir la liaison avec Paris. En effet, les deux Boeing loués à la société Ansett, qui assurent habituellement quatre liaisons hebdomadaires avec Roissy-Charles-de-Gaulle, doivent subir une visite technique dans les ateliers d’Air France. La Camair bataille avec courage, mais sans arme. « Un combat perdu d’avance », estiment certains. Fondée en 1971, détenue à 96,4 % par l’État, « privatisable » depuis 1994, la Camair et ses clients ont tout subi : gestion hasardeuse d’exploitation, retards légendaires, flotte surdimensionnée, valse des directeurs, sureffectif et déficits chroniques, perte de parts de marché… Les autorités ont dû se rendre à l’évidence. En février dernier, la « scission-liquidation » a été prononcée et un administrateur provisoire nommé en la personne de Paul Ngamo Hamani. Depuis, la compagnie vit au jour le jour. En août, l’État a aligné 5 milliards de F CFA pour financer un plan de réduction du personnel prévoyant le départ de 430 des 1 300 salariés. En revanche, à ce jour, rien n’a filtré sur l’identité d’un éventuel repreneur.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires