Mamadou el-Béchir Gologo
Ancien ministre malien, auteur du Rescapé de l’Ethylos*
Le 19 novembre 1968, des chars de l’armée malienne pénètrent dans la cité ministérielle de Bamako. Le même jour, le président Modibo Keïta est déposé. Et les membres de son gouvernement arrêtés. Le Dr Mamadou el-Béchir Gologo, le seul à ne pas habiter la résidence, se trouve chez lui à Korofina. Commissaire à l’information depuis 1958, il est devenu le ministre incontesté de la Communication une fois l’indépendance acquise en 1960.
« C’est ici que les militaires sont venus me chercher, à 19 heures, confie-t-il, en mimant l’acte de bravoure qu’il manifesta ce jour-là. Dans cette maison, que j’occupe depuis 1966, j’ai demandé qui prenait le pouvoir ? On m’a répondu « Moussa Traoré ! ». Je n’ai pas pu m’empêcher de rigoler. Car cet homme est un parfait inculte, si ce n’est un analphabète. Au fait j’avais pitié de lui. »
Trente-huit ans après le coup de force, Dr Gologo maintient que le général Moussa Traoré n’était « qu’un outil au service de la France et d’autres nations qui tenaient à débarrasser l’Afrique de ses fils jugés rebelles ». Ces puissances voyaient en Sékou Touré (Guinée), Kwame Nkrumah (Ghana) et… Modibo Keïta des empêcheurs de tourner en rond. « Donc des parias dangereux qu’il fallait écarter à tout prix, pour éviter qu’ils ne contaminent le reste du fruit. » Membre de la section territoriale du Rassemblement démocratique africain (RDA), Gologo, né en 1924 à Koulikoro, salua la vision panafricaniste du Congrès constitutif de ce mouvement en août 1946, à Bamako.
Des fissures, dans cette ambition africaine, apparaissent au grand jour avec l’éclatement, en 1959, de la Fédération du Mali qui vit le départ du Sénégal. Dr Gologo, qui a fait ses études à l’école William-Ponty de Dakar et fut sergent infirmier indigène à Thiaroye, en tient responsable le chef de l’État sénégalais de l’époque, Léopold Sédar Senghor. « Si la Fédération a éclaté, ce n’était ni par la force du Sénégal, ni par la faiblesse du Mali mais par le simple jeu de la France. Et comme les Sénégalais étaient des inconditionnels de la SFIO, tout fut téléguidé. »
En 1960, l’ancien marxiste-léniniste et ses amis du Groupe d’études communistes (Grec) se retrouvent dans la ligne de mire des « impérialistes » pour avoir créé l’Union sacrée des ressortissants de trois pays : Ghana, Guinée, Mali. Principal objectif : faire pièce à la logique du « diviser pour régner ». À l’arrivée, le goût reste amer : « La conférence de Casablanca, en 1961, avec près de vingt États africains indépendants, ne donna rien, regrette-t-il. Dans ses indépendances, l’Afrique avait avalé le virus de ses discordes qui sera alimenté par la guerre des langues des colonisateurs. Et les pseudo-indépendances n’étaient que pour mieux la dompter… »
Dès le soir du 19 novembre 1968, Dr Gologo est envoyé à la prison de Kidal, dans l’extrême nord du pays. Il y passera dix pénibles années. À peine libéré, en 1978, il publie un article virulent contre Moussa Traoré et sa soldatesque. Et les accuse de « s’être enrichis honteusement ». Trois jours après cette sortie fracassante, l’auteur du Rescapé de l’Ethylos reçoit la visite de la police. Le 2 avril 1979, il est condamné à quatre ans de prison ferme qu’il purge à Nioro, dans le grand Sahel malien. Le chef de l’État demande, en vain, sa radiation de l’Ordre des médecins !
On ne dompte pas le poète Mamadou el-Béchir Gologo, qui a publié Mon coeur est un volcan et Tornade d’Afrique. À 81 ans, il est un lion qui rugit sans cesse. Il y a quelques années, il signe Moudaïna, un roman qui met en garde contre le snobisme des nouvelles technologies de l’information (Internet et autres gadgets) qui envahit les villes africaines.
Aujourd’hui, après sa marche quotidienne dans son quartier ponctuée des « Ani sokhama docteur » (« bonjour docteur », en bambara), il reçoit dans le bureau qu’il s’est aménagé comme salle de soins. Si d’aucuns y viennent pour des consultations, d’autres sont là pour écouter l’une des dernières mémoires du RDA et du Mali. Un passionné d’histoire. Il lit tous les journaux. Et gare à l’impertinent qui se laisse aller à une idée subversive sur l’ancien régime (celui de Modibo Keïta) ou à une quelconque promesse démagogique aux Maliens. Il trouve toujours le Dr Gologo sur son chemin, prêt à en découdre. En bon polémiste.
* Roman, Présence africaine, 1963.
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