Lune de miel Malabo-Pékin

Le voyage officiel du président Teodoro Obiang Nguema relance la coopération avec la Chine, notamment dans le secteur pétrolier.

Publié le 15 novembre 2005 Lecture : 4 minutes.

« A partir de maintenant, la Chine devient le principal partenaire avec lequel nous allons développer la Guinée équatoriale… » En faisant cette déclaration, le 27 octobre, le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, de retour d’un voyage officiel d’une semaine au pays de Mao, a jeté un certain froid dans les couloirs des ambassades occidentales de Malabo. Les diplomates américains, français et espagnols activent actuellement leurs réseaux d’information pour découvrir la teneur des accords passés par le chef de l’État avec son homologue Hu Jintao, et soupçonnent que ceux-ci aient une forte odeur de pétrole. Dans l’entourage du pouvoir, on entretient le plus grand mystère. Gabriel Obiang Mbegha Lima, le vice-ministre des Hydrocarbures et fils du président, ne tient pas à s’exprimer sur la question, tout comme le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et de la Francophonie Pastor Micha Ondo Bilé, pourtant tous les deux du voyage en Chine. Quant à l’ambassadeur chinois à Malabo, il se terre pour échapper aux questions de la presse, et son portable est constamment sur répondeur.
Officiellement, Pékin et Malabo ont signé des accords en matière de protection des investissements et de libre circulation de leurs ressortissants. Concrètement, les diplomates équatoguinéens pourront dorénavant entrer en Chine sans avoir besoin de visa et vice-versa. Hu Jintao a octroyé, en outre, une importante remise de dette à Malabo sans en dévoiler le montant. Mais ces « gestes d’amitié et de coopération » ne constitueraient que la partie émergée de l’iceberg. Selon plusieurs diplomates et des sources internes au ministère des Hydrocarbures, le voyage d’Obiang Nguema s’est concrétisé par la signature d’un accord avec la société Sinopec (China Petroleum and Chemical Corporation) pour l’exploration et l’exploitation de certaines ressources du sous-sol. Le groupe pétrolier chinois pose ainsi ses valises en Guinée équatoriale après avoir décroché des concessions au Gabon en février 2004 et lancé des activités de recherche au large des côtes congolaises en février 2005. Ce qui explique la grande mansuétude chinoise envers les dirigeants du golfe de Guinée. Et les nombreuses visites de ces derniers à Pékin : Omar Bongo Ondimba en septembre 2004, Denis Sassou Nguesso un an plus tard, et Obiang Nguema en octobre dernier. Alors que la Chine achète déjà une partie de son pétrole au Gabon, au Congo-Brazzaville et à la Guinée équatoriale, elle cherche actuellement à augmenter et sécuriser ses approvisionnements en se lançant dans la production. L’arrivée de la Sinopec en Guinée équatoriale est préparée depuis plus de deux ans. Une délégation constituée du ministre des Finances Marcelino Owono Edu et de Gabriel Obiang Mbegha Lima s’est rendue en Chine pour en finaliser les modalités.
Parallèlement, les relations de Malabo avec les États-Unis ont un peu évolué. Le Sénat américain a publié, en juillet 2004, un rapport selon lequel plusieurs membres du gouvernement équatoguinéen auraient disposé de comptes personnels à la banque Riggs pour percevoir une partie des revenus du pétrole, ce que contestent vivement les intéressés, expliquant qu’il s’agit bien de comptes publics. Depuis que cette affaire a éclaté, Malabo cherche à s’affranchir de sa dépendance envers les majors américaines – ExxonMobil, Marathon Oil, Amerada Hess sont présents dans le pays -, qui assurent la quasi-totalité de la production nationale et bénéficient de conditions d’exploitation très favorables. Environ 75 % du chiffre d’affaires de l’activité pétrolière leur revient contre 25 % seulement à l’État. Les premiers contrats de partage les avantageaient outrageusement. Et les intérêts de l’État n’étaient alors que de 3 % dans le champ d’Alba et de 5 % dans ceux de Zafiro et de Ceiba. Depuis, les autorités ont retrouvé le sens de la négociation : les royalties et autres taxes ont bien augmenté. Mais elles ont le plus grand mal à imposer leurs conditions aux Américains qui s’appuient sur les cabinets internationaux de conseil juridique pour faire appliquer le droit et influer sur l’environnement juridico-économique du pays.
Derrière les sourires de façade et les déclarations d’amitié – Obiang a proposé une aide aux victimes des cyclones de Louisiane – entre représentants de Washington et Malabo, la plus grande suspicion règne de part et d’autre. D’autant que l’on entend de plus en plus parler d’une baisse de l’extraction du principal champ, Zafiro, exploité par ExxonMobil. La production nationale serait actuellement de 384 000 barils/jour (b/j), alors que les prévisions de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) tablaient sur 500 000 b/j. Pour préparer l’avenir, les autorités ont récemment attribué des concessions aux sociétés malaisienne Petronas et espagnole Repsol. Objectif : trouver de nouvelles ressources et ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. En jouant la Chine contre les États-Unis, Malabo souhaite, à l’évidence, se doter d’un atout supplémentaire. Au cours de son voyage, le président Obiang a invité Hu Jintao en Guinée équatoriale, et ce dernier lui a répondu favorablement. Une première mission chinoise devrait se rendre prochainement à Malabo. Nul doute que Washington suivra cette visite de très près.

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