Jean-Louis Billon

Président de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire

Publié le 16 novembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Président du groupe Sifca, spécialisé dans le négoce et la production de matières premières, Jean-Louis Billon, 40 ans, est un poids lourd de l’économie ivoirienne. De grand-père français, il incarne le métissage économique lié à l’histoire du pays. Spécialiste de la gestion et des affaires – il est titulaire de deux maîtrises obtenues en France et aux États-Unis -, il assure la présidence de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire depuis septembre 2002.

Jeune Afrique/l’intelligent : Quel est le visage économique de la Côte d’Ivoire un an après les événements de novembre 2004 ?
Jean-Louis Billon : La crise économique est aiguë, les investissements sont en berne, le pouvoir d’achat est moindre. Beaucoup d’entreprises occidentales et ivoiriennes ont déplacé leurs sièges dans les pays de la sous-région, notamment au Sénégal et au Ghana. D’autres ont disparu du paysage ou suspendu un temps leur activité avant de revenir. De manière générale, les opérateurs ont tendance à sécuriser leurs activités et se sont regroupés en zone 4, près de la base de l’armée française.
J.A.I. : Quelles sont les entreprises qui ont bénéficié d’un report des activités des sociétés partantes ?
J.L.B. : Les entreprises de haute technicité n’ont pas été remplacées. La communauté libanaise a racheté quelques sociétés et renforcé ses positions dans le commerce. Les opérateurs chinois et indiens sont également assez dynamiques dans l’import-export, mais apportent très peu de valeur ajoutée. La France reste le premier partenaire de la Côte d’Ivoire, bien qu’elle ait perdu nombre de ses PME.
J.A.I. : Au Nord, l’activité économique s’est profondément délitée…
J.L.B. : Il reste les industries cotonnières et sucrières, actuellement déficitaires. La production d’anacarde, de tabac et de mangues subsiste, mais connaît de forts surcoûts. Seigneurs de guerre et commerçants se sont lancés dans le trafic de l’essence et du gasoil, des véhicules, de l’électroménager, des DVD. Beaucoup de produits arrivent de Guinée. Même si les exactions sont beaucoup moins importantes qu’au début de la crise, les autorités administratives ne sont pas réinstallées, le système bancaire est interrompu…
J.A.I. : Certains secteurs d’activité résistent-ils mieux que d’autres ?
J.L.B. : Globalement, le secteur de l’import-export résiste assez bien car les opérateurs n’ont pas la contrainte du marché local. Les négoces de café-cacao, de caoutchouc et de bananes ne s’en sortent pas trop mal. La téléphonie cellulaire a également le vent en poupe. Enfin, certains marchés de niche, comme la fabrication d’étiquettes spécialisées ou de code-barres, sont porteurs. Mais sans règlement politique de la crise, les activités ne pourront pas retrouver leur dynamisme passé. Pourtant, la Côte d’Ivoire présente toujours d’incontestables atouts : des personnes qualifiées, les meilleures infrastructures de la sous-région et un large réseau de communication.
J.A.I. : C’est le message que vous transmettez aux autorités ?
J.L.B. : Les syndicats, les associations professionnelles et les structures d’intermédiation éprouvent beaucoup de lassitude et de découragement. Le lien n’est pas rompu avec les autorités mais les projets de relance des activités n’aboutissent pas. L’État est dans une logique de survie. Il n’y a plus de politique de développement économique à proprement parler. L’agenda des ministres est essentiellement politique, tout le reste passe après. On ne fait plus de prospective… On se contente de gérer le budget de l’État. La corruption gangrène toutes les activités. Nous demandons le rétablissement d’une administration forte, crédible, équitable, qui assure sa mission de service public. En Allemagne ou aux États-Unis, le vide politique créé par la confusion électorale n’empêche pas les institutions de fonctionner. Ici, c’est tout le contraire.

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