Extrait
Publié le 15 novembre 2005 Lecture : 1 minute.
L’égalité des chances est certes un joli concept, mais, selon moi, la devise républicaine pourrait se résumer à la seule Liberté. Mon expérience de Français-beur-de-banlieue-issu-de-l’immigration-ouvrière-musulmano-maghrébine-de-la- deuxième-génération m’oblige à sourire à l’évocation de l’Égalité et de la Fraternité. Je n’ai, pour autant, jamais eu le désir de transformer mon entreprise en terrain de revanche ethnique : mes salariés sont de tous âges et de toutes origines, et je me suis toujours refusé à n’embaucher que des jeunes Beurs issus du Val-Fourré. En revanche, je ne me suis jamais interdit d’appliquer, à ma façon, la discrimination positive : face à deux CV qui se valent, je préfère choisir le postulant qui est le plus « dans la merde ». Parmi tous ceux qui ont été recrutés par ATA, 60 % ont passé plus d’un an au chômage. Et, bien entendu, ce ne sont pas toujours des Français de souche nés en plein centre-ville.
Mais c’est également la discrimination négative qui conduit vers moi un certain nombre de demandeurs d’emploi : quand un jeune Noir ou un jeune Beur se présente à un entretien d’embauche bardé de diplômes qui en font un candidat surqualifié pour le poste que je propose, je m’étonne ouvertement de sa candidature et lui demande de m’expliquer pourquoi il a choisi d’y postuler. Il m’explique alors bien souvent que c’est par lassitude, qu’à force de voir des entreprises qui ont besoin de gens ayant son profil et qui, pour des raisons n’ayant rien de professionnel mais bel et bien liées au racisme, préfèrent le rejeter et se passer de lui, il finit par avoir pour priorité d’éviter toute nouvelle humiliation. Connaissant mon entreprise, mon nom, mon parcours et mon origine, il est au moins assuré d’être accueilli sans préjugé, même si c’est pour un travail bien en deçà de ses compétences. Et depuis le 11 septembre 2001, l’effet s’est encore accentué.
Pour dialoguer avec l’auteur : www.azizsenni.fr
