Nassim Kerdjoudj : « En matière d’Internet, l’Algérie a régressé »

Le patron de Net-Skills, Nassim Kerdjoudj, dénonce le monopole d’Algérie Télécom sur l’internet, le retard pris à cause du dossier Djezzy et la mauvaise prise en compte de l’industrie du contenu. Appelant l’Etat algérien à jouer pleinement son rôle.

Nassim Kerdjoudj, 42 ans, s’est associé fin 2013 au français Orange. © Louiza Ammi/JA

Nassim Kerdjoudj, 42 ans, s’est associé fin 2013 au français Orange. © Louiza Ammi/JA

Publié le 26 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

Mis à jour le 27/04/2014, 20H30, CET : La vitesse de la bande-passante mentionnée dans l’interview se situe en est deçà du mégabit et demi (1,5) plutôt que du mégabit par seconde, comme indiqué précédemment.

Dans son édition datée du 27 avril (n°2781-2782), Jeune Afrique revient longuement sur la révolution numérique manquée du continent africain. Alors que les Africains achètent leur bande passante en moyenne six fois plus cher qu’en Asie du Sud-Est, que les débits restent globalement bas en raison d’infrastructures défaillantes, seulement 18% de la population utilise internet, essentiellement via les smartphones.

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Avec 11 millions d’internautes, l’Algérie n’arrive pas dans le TOP 5 africain, dominé par le Nigeria et ses 56 millions d’utilisateurs. Nassim Kerdjoudj, fondateur et dirigeant de la société de services informatiques et télécoms Net-Skills, décrypte les raisons de cet échec. Et appelle à un réveil des consciences en matière d’industrie du contenu.

Propos recueillis par Chloé Rondeleux, à Alger

Jeune Afrique : L’Algérie arrive systématiquement en bas de l’échelle dans les classements sur les technologies de l’information et des communications (TIC). Comment expliquer ce retard ?

Nassim Kerdjoudj : « La connexion internet est pour les nouvelles technologies ce que l’eau est pour le thé », disait un ami anglais. Sans bonne connexion internet, pas de développement de nouvelles technologies possible. Or, à ce niveau-là, il est clair que l’Algérie a pris du retard voire a même régressé. Tandis qu’en 2007, les Algériens avaient le choix entre deux fournisseurs d’accès et obtenaient une connexion internet en trois jours, aujourd’hui, le consommateur n’a plus le choix du fournisseur et doit attendre plusieurs mois avant l’installation d’internet.

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Le monopole d’Algérie Télécom a annihilé toutes améliorations dans le développement d’Internet car pour qu’il y ait de la qualité, il faut de la concurrence. En l’absence d’offres, les 11 millions d’internautes algériens dont 1,3 millions sont abonnés à l’ADSL d’Algérie Télécom payent le prix fort : 2010 dinars, environ 18 euros, par mois pour un abonnement à 1 Mbs. Tout cela pour une bande passante en deçà du mégabit et demi (1,5) par seconde.

Avec l’affaire Djezzy, l’Algérie a perdu trois ans et beaucoup d’argent

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La bataille pour l’acquisition de l’opérateur Djezzy qui vient de se terminer a-t-elle aussi constitué un frein au développement du secteur des TIC en Algérie ?

Il est clair que le dossier Djezzy a considérablement retardé le développement de la téléphonie mobile au sens technologique du terme. L’Algérie a perdu trois ans et beaucoup d’argent.

Qui plus est, cette paralysie du marché, a mené le pays dans une impasse importante à savoir un usage perverti de la 3G. Tout le monde attend de cette troisième génération de téléphonie mobile de pouvoir se connecter à internet avec un bon débit or, en réalité, la 3G est un moyen de créer une industrie du contenu.

Si on regarde dans les autres pays, chaque lancement d’un réseau de nouvelle génération permet la croissance d’entreprises périphériques à l’opérateur et l’émergence de quelques milliers de start-up qui vont développer des applications autour de ce réseau mobile. Mais ce ne sera pas le cas en Algérie. Le retard que l’on a pris a pour conséquence que la modernisation a maintenant des effets pervers, au sens où l’utilisation n’est pas à la hauteur des attentes prévues.

Comment faire pour permettre à une industrie locale de contenus d’exister ?

Comment l’Algérie pourrait-elle rattraper ce retard à présent ?

En fait, la question que l’on doit se poser n’est pas « est-on en retard ou pas ? » mais que doit-on faire aujourd’hui pour ne plus être en retard et tenter d’exister. Le retard n’est pas forcément dans les infrastructures, la modernisation, la société de l’information, etc., car les évolutions sont trop rapides au XXIe siècle.

Le vrai retard est dans la prise en compte de la réflexion suivante : Comment faire en sorte que la génération qui arrive puisse, demain, apporter une valeur ajoutée dans le secteur des TIC et permette à une industrie locale de contenus d’exister. Le rôle de l’Etat est de mettre en place les conditions de ce développement. Or, aujourd’hui en Algérie, cette prise de conscience n’a pas encore eu lieu.

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