Arab Youth Survey : à quoi rêve la jeunesse maghrébine ?
Un sondage révèle les grandes tendances de la jeunesse arabe. Voici les principales conclusions sur les pays du Maghreb.
L’agence en relations publiques Asdaa-BCW, basée à Dubaï (Émirats arabes unis) publie son rapport 2020 sur la jeunesse du monde arabe, le Arab Youth Survey. Du Maroc à l’Irak en passant par l’Égypte et l’Arabie Saoudite, le document se penche sur le sort des quelque 200 millions de jeunes (18 à 24 ans) qui vivent dans les 17 États arabes étudiés — le Soudan a intégré l’étude en 2020.
Pour les pays du Maghreb, les sondages ont été menés à Alger, Oran et Constantine pour l’Algérie, Rabat, Casablanca, Fès, et Marrakech pour le Maroc, et Tunis, Sfax et Sousse pour la Tunisie. En Libye, les études ont été menées à Tripoli, Misrata et Benghazi. La Mauritanie est absente de l’étude.
Migration, corruption, etc.
Réalisés de façon strictement paritaire, les sondages portent sur des sujets aussi variés que la migration, la corruption, les mouvements de protestation, l’identité, les questions de genre ou la politique internationale.
Le rapport met en exergue le taux de chômage de 30 % qui touche cette classe d’âge dans le monde arabe, l’une des moyennes les plus élevées au monde.
42 % des jeunes interrogés ont déjà envisagé de quitter leur pays
42 % des jeunes interrogés ont déjà envisagé de quitter leur pays, une part qui grimpe à 52 % pour la Tunisie et 46 % pour le Maroc. Les jeunes Algériens envisagent moins de quitter leur pays selon l’étude, avec simplement 33 % des sondés qui déclarent avoir envisagé d’émigrer ou qui cherchent activement à le faire. Avec 69 % de jeunes qui souhaitent partir, la Libye, traditionnellement davantage un pays de transit que de départ, est deuxième dans ce classement, derrière le Liban (77 %).
Sans surprise, les raisons économiques arrivent en tête des causes de volonté de départ (24 %). L’absence de libertés politiques, selon l’étude, ne compte que pour 8 % des raisons. L’émigration vers un autre pays est même le principal objectif dans la décennie qui vient de 24 % des jeunes interrogés, devant « terminer ses études » (15 %) et « lancer une entreprise» (5 %).
Crise sanitaire
Le rapport indique que l’impact de la crise sanitaire sur les économies arabes a globalement fait grimper la volonté de quitter leur pays chez les jeunes de la région. Pour autant, le taux d’approbation de la réponse gouvernementale à la crise sanitaire est de 77 % parmi les jeunes Arabes. Un chiffre qui tombe à 47 % pour l’Algérie.
Sur le chapitre des mouvements de protestation, notamment du Hirak, seuls 64 % des jeunes sondés estiment qu’il en sortira un changement positif, et presque un tiers des jeunes Algériens affirment que le Hirak n’aura pas ou que peu d’impact à long terme, ce qui en fait parmi les plus pessimistes du monde arabe sur leur mouvement, même s’ils sont 89 % à affirmer soutenir le mouvement de contestation.
La corruption gouvernementale arrive en tête des motifs de contestation
Les sondeurs d’Asdaa ont également interrogé les jeunes sur la possibilité d’une reprise des mouvements de protestation, jugée crédible à 86 % par les jeunes Libyens, à 56 % pour les Tunisiens et 40 % pour les Égyptiens. Seuls 28 % des jeunes Marocains sondés jugent qu’il y aura des manifestations anti-gouvernementales dans l’année qui vient.
La corruption gouvernementale arrive en tête des motifs de contestation. L’idée que le gouvernement est corrompu est d’ailleurs très majoritairement partagée par les jeunes sondés d’Afrique du Nord, à 95 %. En comparaison, une petite minorité (30 %) des jeunes interrogés dans les pays du Golfe estiment que la corruption est très répandue dans leur gouvernement. Un écart qui peut en partie s’expliquer par un phénomène d’autocensure plus important dans ces pays que dans ceux du Maghreb.
La création d’emploi, une priorité
Derrière la corruption, la création d’emploi devrait être la priorité des États arabes pour 32 % des sondés. Au Maghreb, les jeunes sondés sont plutôt beaucoup moins endettés qu’ailleurs dans le monde arabe, avec une fourchette haute de 34 % (Libye) et basse de 17 % (Algérie et Maroc).
Le chapitre identité réserve quelques surprises. Les jeunes Nord-Africains, et en particulier les Algériens, considèrent à près de 70 % leur religion comme l’élément le plus important de leur identité (Algérie, Soudan, Égypte et Maroc sont en tête de ce classement), contre « seulement » 60 % des jeunes Saoudiens sondés. L’arabité et la langue ne constituent l’élément identitaire le plus important que pour respectivement 7 % et 5 % des sondés.
Quant aux questions de genre, elles sont finalement moins brûlantes qu’attendu, avec une majorité de jeunes Nord-Africaines (62 %) qui estiment qu’elles ont autant de droits que les hommes, 25 % qu’elles en ont moins, et 13 % — le taux le plus élevé du monde arabe — qu’elles en ont plus. Mina al-Orabi, rédactrice en chef du média émirien The National et l’une des auteurs de l’étude, rappelle que, malgré les progrès des dernières années en matière de droits des femmes, la région reste l’une des plus inégalitaires au monde en termes de genre.
Les parties consacrées aux États les plus attractifs pour le jeunesse arabe reflète les évolutions géopolitiques des dernières années. Si, comme tous les ans depuis que l’agence de relations publiques basée à Dubaï édite l’étude, ce sont les Émirats arabes unis qui arrivent en tête des pays les plus attractifs pour les jeunes sondés, devant les États-Unis et le Canada, la Turquie et le Royaume-Uni ont réintégré le Top 5. La France est sortie de ce classement depuis 2014.
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