Quand Tidjane Thiam était la cible de préjugés racistes au Credit Suisse

Tidjane Thiam a-t-il dû quitter la tête du groupe bancaire parce qu’il n’était « pas assez suisse » ? Une enquête du « New York Times » révèle les préjugés racistes auxquelles l’ex-patron du Credit Suisse a fait face.

Tidjane Thiam, au Credit Suisse, à Zurich, le 13 février 2020. © Ennio Leanza/AP/SIPA

Tidjane Thiam, au Credit Suisse, à Zurich, le 13 février 2020. © Ennio Leanza/AP/SIPA

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Publié le 8 octobre 2020 Lecture : 3 minutes.

Huit mois après la démission de Tidjane Thiam, la simple évocation du nom de l’ancien directeur général du Credit Suisse agite toujours autant le microcosme financier de la bonne ville de Zurich, et continue de faire remonter à la surface des eaux habituellement si calmes du lac éponyme les boues les plus nauséabondes.

Dès l’annonce de sa nomination à la tête de la deuxième institution bancaire helvétique, en juillet 2015, le Franco-ivoirien a dû faire face aux pires préjugés. Après « le plafond de verre » qu’il avait dénoncé en France plus tôt dans sa carrière, c’est à une falaise de glace qu’il se heurte en Suisse, malgré des résultats financiers pourtant largement à la hauteur de ce que lui demande les actionnaires.

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Pour reprendre aujourd’hui l’une des hypothèses avancées par la presse alémanique au plus fort de la crise, le banquier n’était semble-t-il « pas assez suisse ». Et les vexations que lui et ses proches semblent avoir subi au quotidien n’ont certainement pas contribué à lui faciliter la tâche.

Blackface et perruques afro

En cette période où « la vie des Noirs compte », le New York Times a mené une enquête sur cette affaire qui n’avait guère passionné les médias américains à l’époque des faits, en dehors de la presse économique. L’occasion de dresser la liste de ces grands moments d’incompréhension mutuelle qu’a traversé Tidjane Thiam dans un pays qui ne l’a donc jamais vraiment adopté.

C’est le cas lors de cette soirée de novembre 2019. Ce jour-là, il assiste aux festivités organisées dans un cabaret zurichois pour le 60ème anniversaire du président du conseil d’administration du Credit Suisse, Urs Rohner – le même qui lui demandera sa tête quelques mois plus tard. Quand un danseur blanc grimé en concierge noir surgit, balayant la scène, Tidjane Thiam préfère s’éclipser avec sa compagne. Ils ont été les seuls de l’assistance à le faire, suivis par un couple d’amis anglais, revenu un peu plus tard pour assister – consterné – aux performances musicales d’un groupe affublé de perruques afro.

Dans l’enquête menée autour de faits d’espionnage, il devrait être mis hors de cause

Aucune des personnes concernées n’a voulu commenter cette soirée. Seule la banque a bredouillé quelques excuses de circonstance aux médias anglo-saxons qui l’ont contactée. « Rien d’officiel auprès de Tidjane Thiam », assure un de ses proches. Le banquier, aujourd’hui âgé de 58 ans, n’attend certainement plus grand-chose de son ancien employeur.

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Minorité trop visible

Accusé, en pleine assemblée générale des actionnaires, de vouloir faire de la vénérable institution dont on lui confiait alors les clés « une banque du tiers-monde », Tidjane Thiam a semble-t-il souffert d’être à lui seul une minorité trop visible au cœur des Alpes.

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Très vite, pour éviter les ennuis et les ragots, il a rangé sa Porsche Cayenne au garage pour adopter une petite berline plus anonyme et a appris à éviter les sorties dans les lieux publics. Il a plusieurs fois raconté cette impression d’être scruté, observé. Comme lorsque la douane suisse lui demande de présenter son passeport de résident pour prendre un simple vol domestique ou quand son fils est la première personne contrôlée dans le métro zurichois.

Si l’enquête menée autour des faits d’espionnage reprochés au Credit Suisse se poursuit, elle semble devoir mettre Tidjane Thiam définitivement hors de cause. Celui que l’on annonce un peu partout depuis sa mise à l’écart va donc pouvoir tourner la page. Il aura bien été, comme il le craignait, « celui qui aura fait le ménage avant d’être remercié ». Sans avoir à se grimer pour ça.

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