« Balayeur comme mon père »

À Clichy-sous-Bois, on avait cru aux promesses de Jacques Chirac sur l’intégration.

Publié le 16 novembre 2005 Lecture : 3 minutes.

A Clichy-sous-Bois, où éclatèrent les premières émeutes, la cité La Forestière compte près de six cents logements. Les habitants sont majoritairement des immigrés subsahariens, irakiens ou pakistanais de la première génération. Un peu plus loin, à l’Aqueduc par exemple, les jeunes sont plutôt d’origine maghrébine. Des Français « de la troisième », comme ils le disent…
À La Forestière, les portes d’entrée, les boîtes aux lettres et les ascenseurs ne sont plus qu’un lointain souvenir. Huit ou dix étages à monter à pied… Dans la cage d’escalier, les jeunes commentent les derniers événements. Pour eux, aucun doute : l’« ascenseur social », lui aussi, est en panne. Pis, il n’a jamais fonctionné. Suliman, Sako, Mamadou et Bob sont originaires du Mali, du Burkina et de Centrafrique. Capuche, survêtement et bandana noué façon rappeur, le premier dresse un bilan amer : « J’ai 16 ans, un brevet de vente en poche mais je sais déjà que je serai, au mieux, balayeur comme mon père. » « Même pour ce job, il faut avoir son bac », renchérissent ses amis. Pas d’avenir sans diplôme, et les « sous-métiers », les jeunes n’en veulent pas.
Ils avaient pourtant cru aux promesses d’intégration de Jacques Chirac. Mais, inexorablement, ils se sont enfoncés dans la précarité et l’isolement. Dans certaines cités, il n’y a plus ni maison des jeunes ni médiateurs ni police de proximité. En 2002, cette dernière a été supprimée par le gouvernement Raffarin, la droite au pouvoir ayant entrepris de réduire drastiquement les dépenses affectées à la politique de la ville (2 milliards d’euros par an). Sous la pression de l’événement, Dominique de Villepin semble enfin avoir compris la nécessité – et l’urgence – de rétablir une certaine cohésion sociale.
Mehdi est l’un des rares animateurs encore en poste à Clichy, à la cité de Maison Blanche en l’occurrence. Ce « grand frère » déplore lui aussi l’arrêt des crédits octroyés au monde associatif. Pendant les émeutes, il a été contraint de troquer sa casquette d’animateur pour celle de médiateur. Sa mission : tempérer les propos des uns, calmer les ardeurs belliqueuses des autres… De fait, le calme est revenu à Clichy-sous-Bois, alors que l’émeute gagnait peu à peu toute la France. Mehdi a écouté attentivement les propos du Premier ministre qui a promis une rallonge budgétaire de 100 millions d’euros en 2006, avec notamment le doublement du nombre des postes d’animateurs de quartier. C’est un début, mais sera-ce suffisant ? La fracture sociale est sans doute trop profonde et le chômage trop important… Les entreprises installées dans la zone franche de Clichy hésitent à employer ces jeunes trop « marqués » ou pas assez diplômés.
Originaire de Centrafrique, Bob est père de famille. Lui aussi dénonce la gestion calamiteuse du quartier. Montrant du doigt le nouveau stade, il s’insurge : « Nos enfants n’y ont pas accès le soir, les week-ends et les jours fériés. » Il n’attend plus grand-chose des pouvoirs publics (« tout ça, c’est de la poudre aux yeux ») et s’emporte contre le « tout-répressif » et la « tolérance zéro ». Pour lui comme pour tous les « exclus du système », le retour de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur s’est traduit par une flambée de racisme chez certains policiers.
Non loin de Clichy, dans la ville plutôt bourgeoise du Raincy, le maire UMP (et ancien ministre) Éric Raoult n’a pas attendu que le gouvernement instaure le couvre-feu, le 7 novembre. Tous les étés depuis 2001, il impose une mesure de ce type à tous les enfants de moins de 13 ans. Selon lui, la mesure aurait permis de faire baisser la délinquance de 35 %.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires