Pour la Banque mondiale, le Covid-19 va effacer cinq années de progrès en Afrique
Si la crise frappe durement l’est et le sud du continent, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Ghana s’en sortent mieux grâce à leur agriculture, souligne la dernière édition du rapport Africa Pulse.
C’est un rapport « Pulse’Africa » en demi-teinte que publie le 8 octobre le bureau de l’économiste en chef pour l’Afrique de la Banque mondiale sous le titre « Tracer un chemin vers la reprise ».
Certes, hormis l’Afrique du Sud qui concentre 60 % des cas de Covid-19 recensés en Afrique subsaharienne, celle-ci a échappé au pire et les 24 026 morts comptabilisés dans la région à la date du 3 septembre représentent seulement 2,5 % des décès dus au coronavirus dans le monde.
Certes, la reprise y sera perceptible dès le troisième trimestre de cette année et les auteurs du rapport se risquent à ébaucher un scénario relativement optimiste d’une croissance de +2,1 % en 2021 et de +3,2 % en 2022, qui écarte l’hypothèse d’un retour du virus et suppose une bonne tenue des cours des matières premières.
Récession historique
Reste que la combinaison du confinement et de la récession mondiale pèse très lourd sur la conjoncture de l’Afrique subsaharienne qui connaîtra cette année une récession historique, avec une baisse du produit intérieur brut (PIB) de -3,3 % en moyenne.
Selon les auteurs, ce recul fera régresser « vraisemblablement son produit régional brut par tête à son niveau de 2007, d’ici la fin 2021 » et le virus « pourrait faire retomber 43 millions de personnes dans l’extrême pauvreté, annulant cinq ans de progrès ».
Les pays les plus touchés sont aussi les plus importants, comme le Nigeria, qui a vu son PIB s’effondrer de 6,1 % au deuxième trimestre, et surtout l’Afrique du Sud, qui a enregistré jusqu’à -17,1 % de perte de PIB. L’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest ont globalement moins souffert que l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe.
Kenya, Éthiopie et États insulaires ont ainsi plus pâti du confinement et de l’interruption du tourisme que le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Ghana, en partie protégés par leur agriculture.
Un redémarrage « modeste et inégal »
« Le chemin de la reprise sera long et ardu », reconnaît le rapport, d’autant que le redémarrage qui s’annonce sera modeste et ne concernera pas également tous les pays. En effet, « les dépenses en matière des services des ménages seront contraintes, la production industrielle sera ralentie et le commerce international demeurera faible ».
De plus, les fragilités de la région demeurent. Le déclin de ses revenus est inévitable avec des cours des matières premières instables, un tourisme en berne, des envois des émigrés moindres et des investissement étrangers stoppés.
Cela provoquera une poussée des déficits budgétaires (en moyenne 3,5 % du PIB) et, par rebond, une nouvelle aggravation de la dette des pays au moment où ils en ont le plus besoin de fonds pour faire face aux dégâts économiques provoqués par la pandémie.
« Il leur faut reconstituer un espace budgétaire, améliorer la gestion de la dette et combattre la corruption », rappelle le rapport. Mais celui-ci ne se contente pas de rappeler la nécessité de réformer la gouvernance et les institutions pour y parvenir. Il met l’accent sur deux atouts qui pourraient permettre à l’Afrique subsaharienne d’accroître sa productivité, d’augmenter la valeur ajoutée de ses produits et de créer les emplois formels dont elle a tant besoin : la transformation digitale et le commerce intra-africain.
Appel à l’aide internationale pour consolider la relance
La pandémie a prouvé que « le digital n’est pas un luxe », y lit-on. Contraints à la distanciation physique et au télétravail, les acteurs publics et privés du Kenya, du Mozambique, du Togo, de la Zambie, de la Namibie, de l’Afrique du Sud ou de l’Éthiopie ont amélioré d’une façon ou d’une autre les techniques et les applications numériques. Les domaines de l’agriculture, de l’enseignement et de la santé pourraient, demain, profiter de ces avancées pour améliorer leurs performances.
Quant au commerce régional, la Banque mondiale veut y voir une vraie protection contre de futures crises venues d’ailleurs. Elle plaide pour la réalisation effective et rapide de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca), car elle a constaté que les facilités des marchés communs est-africains leur ont permis d’amortir l’effondrement de 18,5 % du commerce mondial au deuxième trimestre. L’abaissement des barrières douanières a ainsi aidé le Kenya à développer ses échanges commerciaux au point qu’ils viennent de surpasser leur niveau d’avant-crise.
Le rapport se conclut logiquement sur un appel à l’aide internationale. L’Afrique subsaharienne et notamment ses pays à bas revenus n’ont pas les moyens d’une relance vigoureuse sans laquelle la reprise y sera « peu robuste » et créera peu d’emplois.
Ce n’est pas l’Iniative de suspension du service de la dette (ISSD) qui dégagera les fonds nécessaires : le secteur privé renâclant à se joindre à cet effort, l’Afrique ne peut compter cette année que sur un allègement de 2 milliards de dollars de son fardeau par les institutions multilatérales et les pays développés. Ceux-ci doivent lui apporter massivement de l’argent frais et à bon compte.
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