Un clandestin en Avignon

Dramaturge et écrivain prolifique, Dieudonné Niangouna est l’une des figures majeures de la culture contemporaine.

Publié le 10 août 2007 Lecture : 2 minutes.

Dieudonné Niangouna est une figure majeure de la scène congolaise contemporaine. Comédien, auteur, metteur en scène, directeur d’un festival de théâtre à Brazza (Mantsina sur scène), cet homme de théâtre complet est le digne héritier de Sony Labou Tansi. Né à Brazzaville en 1976, cet écrivain prolifique (« J’adore écrire, c’est ma manière d’agir ») et novateur a grandi au rythme des guerres civiles qui ont ensanglanté son pays. « Nous vivions en 1997 dans le chaos d’une guerre civile et nous habitions dans la rue, se souvient Niangouna. Même nos pensées s’étaient déversées dans la rue. Il était impossible de ne pas être déchiré, en vrac, corps et esprit étalés. Il n’y avait plus de murs dans cet immense no man’s land. C’est à ce moment-là que j’ai ressenti le désir, avec mon frère Criss, de faire un travail sur ce qui se passait dans la rue. »

En 1997, les deux frères créent alors Les Bruits de la rue, une compagnie qui mêle l’urgence, le dérisoire, mais aussi la poésie. « La voix narrative m’intéresse moins que le tréfonds poétique des personnages », aime dire Niangouna qui met en scène ses propres pièces (La Colère d’Afrique, Bye-Bye, Carré Blanc, etc.). L’écriture théâtrale des frères Niangouna se caractérise par la recherche de formes nouvelles, comme la progression du jeu théâtral en trois temps baptisée « big ! boum ! bâh ! ». Cette progression saccadée, scandée comme les trois coups de théâtre, permet d’exacerber les transitions et de renouveler le jeu à la fin de chaque séquence.
Au fil des années, Dieudonné a gagné ses lettres de noblesse en France. Révélé en 2002 lors du festival de théâtre Les Francophonies en Limousin, il est revenu à Limoges en 2006 pour y présenter sa mise en scène de Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès. Entre-temps, il a participé, en 2005, à la semaine des « Écritures d’Afrique », où sa pièce « tragiquement gaie » La Mort vient chercher chaussures fut présentée à la Comédie-Française. C’est le récit insolite d’un soldat mort au combat qui réapparaît dans le pays des vivants en quête de son godillot manquant, sans lequel son âme ne saura trouver repos. Il y a du Tutuola et du Ken Saro-Wiwa, de l’humour et du tragique, de la légèreté et de la gravitas dans cette vision zombifiée de l’Afrique qui n’est pas pour autant totalement désespérée.

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Juillet 2007, c’est la consécration. Niangouna s’installe au Festival d’Avignon avec Attitude Clando. Un long monologue qui conduit les spectateurs au fin fond de la nuit, avec pour seuls compagnons des paroles empruntées à la rue et des images éloquentes, répétitives qui donnent corps au « clandestin qui est en chacun de nous », rappelle Niangouna. Car Clando est une invention de notre époque, un concept créé par les pays riches qui réduit l’Autre à son absence : absence de papiers, absence de corps, absence de voix. À cette figure symptomatique de notre vaine modernité, le Congolais donne la parole. Une parole qui jaillit de nulle part et de partout, qui questionne nos suffisances, nos certitudes, s’enfermant à son tour dans les hantises d’un passé dont elle ne peut s’échapper.

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