Un boulevard pour 2009

En dépit de graves défaillances dans l’organisation des législatives, la majorité au pouvoir l’emporte largement. À moins d’un sursaut de l’opposition, le prochain scrutin présidentiel aura des allures de plébiscite.

Publié le 10 août 2007 Lecture : 5 minutes.

Commencées le 24 juin, les élections législatives congolaises se sont achevées le 5 août, six semaines plus tard. Des prolongations rendues nécessaires par les conditions d’organisation calamiteuses du premier tour. Listes électorales incomplètes, cartes d’électeur fantaisistes ou manquantes, mise à disposition tardive du matériel électoral dans les bureaux en ont été les principaux dysfonctionnements. Ils se sont reproduits – dans une moindre mesure – lors du second tour. Comme prévu, le Parti congolais du travail (PCT, au pouvoir) se taille la part du lion, ne laissant que quelques miettes à la seule formation qui ne fait pas partie de la majorité présidentielle, l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads), de l’ex-président Pascal Lissouba. Quoique écrasante, cette victoire laisse sans doute un goût d’inachevé à bien des dirigeants du PCT. Un cadre de cette formation a même craint le pire : « Ces législatives auraient pu nous coûter cher. Si nous avions une opposition forte, elle aurait exigé de la communauté internationale l’annulation du scrutin et la tenue de nouvelles élections. Nous les aurions peut-être perdues avec, comme conséquence immédiate, une cohabitation ! » Et de se demander pourquoi le gouvernement n’a pas voulu écouter l’opposition, qui réclamait un report du scrutin. « Cela aurait évité de nous couvrir de ridicule. »
Trois raisons expliquent le chaos qui a caractérisé l’organisation de ces législatives. D’abord, la collaboration entre le ministère de l’Administration du territoire et la Commission d’organisation nationale des élections (Conel), qualifiée de « centralisme démocratique » par un analyste congolais, qui précise : « Le ministre décide, ses collaborateurs exécutent. » Ensuite, l’obstination du gouvernement à ne pas revoir le fichier électoral, tout en sachant que la guerre civile avait contraint beaucoup de personnes à changer de lieu de résidence. Enfin, le manque d’un vrai dialogue avec l’opposition, ne serait-ce que pour rendre crédibles les résultats des urnes. À tout cela s’ajoutent bien d’autres interrogations : la pagaille découle-t-elle de l’incompétence des organisateurs ou d’une volonté délibérée de fausser les règles du jeu ? Le fort taux d’abstention – près de 60 % dans l’ensemble et jusqu’à 80 % dans certaines circonscriptions – est-il à mettre au crédit du mot d’ordre de boycottage lancé par une partie de l’opposition ? Ou plutôt à la lassitude des électeurs, à leur désintérêt pour la politique et à la désorganisation du premier tour ? Il est vrai qu’avant même le scrutin tout semblait être joué d’avance.

Face à une opposition aux abois, le PCT et ses alliés ont aujourd’hui la majorité absolue dans la nouvelle Assemblée nationale, avec plus de 90 % des 137 sièges. Mais ce triomphe n’est pas, loin s’en faut, synonyme de fin de crise au sein du parti au pouvoir. Malgré le « Congrès de l’unité » organisé à Brazzaville fin décembre 2006, refondateurs et conservateurs campent sur leurs positions et se livrent une guerre larvée dont l’issue demeure incertaine. « Notre victoire, c’est comme l’arbre qui cache la forêt, confie un militant. Les deux tendances du PCT n’ont qu’un seul dénominateur commun : leur allégeance à Denis Sassou Nguesso. Pris en otage par le bloc des rénovateurs, le parti finira par disparaître. » Aux législatives, l’on a vu des candidats désignés par le parti affronter des camarades déterminés, par défi, à se présenter en indépendants. Ces derniers ont souvent eu le dernier mot. Dans la Likouala (Nord), Charles Zacharie Bowao, ministre à la présidence chargé de la Coopération, de l’Action humanitaire et de la Solidarité, considéré comme le porte-étendard de la refondation, a été battu au premier tour par Alain Moka, ancien ministre de la Santé et de la Population, classé dans le clan des conservateurs. Un argument pour ceux qui estiment que la refondation n’est pas appréciée par la base et accusent ses initiateurs de vouloir la mort du parti.

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Autre difficulté à venir pour le PCT : satisfaire aux exigences de toutes les petites formations regroupées au sein des Forces démocratiques nouvelles (FDN), la majorité présidentielle. Bien que certaines composantes des FDN soient animées par des proches du chef de l’État, ce problème des alliances demeure déterminant. Dans la précédente législature, des alliés se sont plaints d’avoir été floués. L’un d’eux, et non des moindres, Mathias Ndzon, leader de l’Union patriotique pour le renouveau national (UPRN), a fini par claquer la porte. La position du Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI) de Bernard Kolélas est également une question épineuse. Tous les observateurs ont noté que le MCDDI a dû affronter, particulièrement dans le Pool (Sud), des indépendants proches du PCT, voire des alliés de ce parti. Est-ce parce que Kolélas, bien qu’étant encore populaire dans la région, n’en est plus le leader incontesté (d’autres personnalités comme Isidore Mvouba, Adélaïde Moundele-Ngollo, Jean-Paul Matima ou encore le pasteur Ntumi sont en train de s’affirmer) ? Ses partisans, qui l’ont toujours connu opposant, sont en outre déboussolés par son nouveau discours de « coopération » avec le pouvoir. Certains n’hésitent pas à l’accuser d’avoir favorisé l’ascension de sa famille à ces élections : deux de ses fils, Guy-Parfait et Euloge- Landry, ont été élus, respectivement à Kinkala et à Brazzaville, tandis que sa fille Théodorine est sa propre suppléante, à Goma Tsé-Tsé. Tout cela explique sans doute que l’ancien Premier ministre de Lissouba, qui s’attendait à avoir une vingtaine d’élus, en a, au final, moins de dix.
L’opposition, quant à elle, est à la dérive. En dehors de l’Upads, qui, malgré ses graves dissensions internes et ses multiples courants, a réussi à se maintenir dans la nouvelle Assemblée, tous les autres partis ne savent plus à quel saint se vouer. Perpétuellement divisée, sans moyens financiers pour bousculer le PCT, sans statut officiel, l’opposition congolaise semble prêcher dans le désert. Ni son appel au boycottage des législatives, ni la faible participation n’ont changé la donne. Ceux qui parlent le plus – à l’intérieur ou à l’extérieur du pays – n’ont souvent pas d’assise populaire. À cela s’ajoute le manque criant d’un véritable leader. La mort, en juillet, d’André Milongo, président de l’Union pour la démocratie et la République (UDR-Mwinda), qui aurait pu jouer ce rôle, est apparue comme un nouveau coup dur. Les candidats UDR ont d’ailleurs été sévèrement battus lors de ce dernier scrutin.
Tout compte fait, la nouvelle Assemblée nationale sera monocolore, à une écrasante majorité masculine malgré la loi sur la parité et avec très peu de nouvelles têtes. Au-delà des législatives, se profile déjà l’élection présidentielle de 2009, à laquelle Denis Sassou Nguesso sera vraisemblablement candidat. Et tout semble d’ores et déjà indiquer qu’il se dirige vers un plébiscite, dans la mesure où l’opposition ne semble guère en mesure de présenter un adversaire de « poids ». Reste à savoir si le président tirera les leçons de la mauvaise organisation des législatives en faisant tomber quelques têtes. Mais les observateurs ne s’attendent pas à un grand chambardement : « Il y aura sans doute un léger remaniement du gouvernement, avec l’entrée de quelques alliés. Il est difficile, au Congo, de renouveler de fond en comble la classe politique : il n’y a pas grand monde », commente un membre du PCT. « Et Sassou n’agit jamais dans le sens des rumeurs », avertit un journaliste brazzavillois.

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