Tunisie : la pandémie plombe l’économie, avec des conséquences sociales désastreuses

Flambée du chômage, nouvelle vague de faillites en vue : les mesures prises par la Tunisie pour faire face à la flambée des cas de coronavirus vont avoir des conséquences sociales désastreuses, avertissent des observateurs.

A Tunis, lors de la deuxième phase du plan de déconfinement, le 3 juin 2020. © Adel Ezzine/Xinhua/CHINE NOUVELLE/SIPA

A Tunis, lors de la deuxième phase du plan de déconfinement, le 3 juin 2020. © Adel Ezzine/Xinhua/CHINE NOUVELLE/SIPA

Publié le 10 octobre 2020 Lecture : 3 minutes.

« La première vague de l’épidémie (de mars à juin, NDLR) a entraîné la perte de 165 000 emplois selon nos estimations, » a indiqué Béchir Boujday, membre du bureau exécutif de l’Utica, la principale instance représentant le patronat en Tunisie.

40% des entreprises d’artisanat ont déjà mis la clef sous la porte, et environ 35% des PME sont « menacées de faillite », s’inquiète-t-il au moment où les autorités ont annoncé une série de nouvelles restrictions pour endiguer la pandémie.

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Depuis mars, la Tunisie a recensé sur son sol presque 27 000 cas de Covid-19, dont 409 décès au 8 octobre, selon les autorités. Le pays enregistre actuellement plus de 20 morts de la maladie par jour, contre 50 au total entre mars et fin juin.

Le confinement général écarté

Les autorités ont interdit début octobre tout rassemblement et ont réinstauré depuis jeudi et pour 15 jours un couvre-feu dans de nombreuses zones du pays, notamment dans toute la région de Tunis.

Le gouvernement a toutefois écarté un confinement général comme celui qui avait été mis en place au printemps, soulignant que le pays n’en avait pas les moyens.

Au premier semestre, le taux de chômage est passé de 15 à 18%, selon l’Institut national de la statistique (INS). Il pourrait atteindre 21,6% d’ici la fin de l’année selon une étude conjointe du gouvernement et de l’ONU, ce qui représenterait près de 274 500 nouveaux chômeurs sur l’année 2020.

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De nombreux emplois ont disparu dans le secteur informel, qui embauche quelque 44% des travailleurs tunisiens selon l’INS, notamment dans l’agriculture, la restauration, le commerce ou le tourisme, secteurs clés frappés de plein fouet par la pandémie.

Dans les cafés à Tunis et dans d’autres zones fortement touchées par la pandémie, les chaises ont été interdites par les autorités. Une décision qui « met en péril 100 000 familles », selon la chambre syndicale des propriétaires des cafés.

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« Qui payera les employés ? »

Majdi Chabbar, gérant d’un bar-restaurant tunisois, perd « jusqu’à 90% du chiffre d’affaires » en ouvrant seulement de 12h à 20h en raison du couvre-feu, mais n’a pas fermé boutique « pour que les employés tiennent le coup ».

Yesser, un de ses serveurs, touche désormais la moitié de son salaire et travaille un jour sur deux. Mais « il n’y a pas de pourboire, car les gens ne viennent pas », s’inquiète le jeune homme qui paie ses études et aide ses parents avec ses revenus.

« Comment va-t-on travailler ? On va être obligé de fermer. Et quand je fermerai, qui payera les employés ? », lance Ali Ben Rached, propriétaire d’un café, qui ne peut plus servir ses vingt tables en terrasse. Il appelle les autorités à fournir une aide « au moins sur les salaires des employés et la CNSS », la sécurité sociale tunisienne.

Peu de marges de manœuvre

Le pays, s’appuyant largement sur les bailleurs de fonds internationaux, peinait déjà à répondre aux attentes sociales avant la pandémie, les Tunisiens dénonçant l’absence d’amélioration de leur niveau de vie dix ans après la révolution.

Lors du confinement général en mars, le gouvernement avait versé une aide ponctuelle de 200 dinars (67 euros) aux familles les plus démunies et promis un plan d’aide de 700 millions de dinars (235 millions d’euros) pour les entreprises.

Mais le gouvernement a peu de marges de manoeuvre pour venir au secours de l’économie, tant les indicateurs sont au rouge. Selon l’INS, la Tunisie a enregistré une contraction record de 21,6% de son PIB au second trimestre 2020.

L’ancien Premier ministre Elyes Fakhfakh avait déjà averti en juin que l’endettement avait atteint « un niveau effrayant », la dette extérieure du pays ayant « dépassé la ligne rouge » en atteignant à elle seule 60% du PIB, à 92 milliards de dinars (environ 30 milliards d’euros).

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