Piqûre de rappel

Publié le 10 août 2007 Lecture : 2 minutes.

Pendant quarante ans, de l’aube des indépendances à celle du présent siècle, Brazzaville a eu un double visage. Brazza la rieuse à la verdure ondoyante, avec ses élégances, ses insouciances, ses humeurs nocturnes et ses douceurs musicales. Brazza la furieuse, démente et suicidaire, éplorée et inconsolable. Quatre décennies de fièvres politiques tenaces, trois guerres civiles et deux images propres à nourrir les clichés réducteurs d’une Afrique à la fois écervelée, irresponsable et dilapidatrice, mais aussi terre de douleur, de violence et de misère. Certes, le Congo ne se résume pas à sa capitale, mais sa capitale le résume tout entier. Alors, quand il est apparu, au début des années 1990, que l’entrée de ce pays dans la cour des démocraties allait de pair avec l’instabilité et la manipulation des esprits, nombreux furent ceux qui désespérèrent de Brazzaville.

Dix ans après le retour de Denis Sassou Nguesso au pouvoir, l’apaisement est une réalité quotidienne. Homme de dialogue, le chef de l’État a su rallier à sa majorité un Bernard Kolélas, neutraliser, en le cooptant, le pasteur Ntoumi et réduire son opposition à une brochette de personnalités aussi estimables qu’isolées et dépourvues de moyens. Dans le fond et si ce consensus mou permet de se consacrer au développement, nul ne s’en plaindra. Reste que cet unanimisme a son revers : le troisième visage de Brazzaville. Après Brazza la rieuse et Brazza la furieuse, c’est aujourd’hui Brazza la morose. Eau, électricité, carburant, systèmes éducatif et sanitaire : le déficit de communication du gouvernement sur ce qu’il fait pour résoudre les multiples carences qui affectent chacun de ces secteurs clés de la vie de tous les jours est tel que les Congolais ont l’impression que rien ne va jamais s’arranger. À cela s’ajoutent des élections législatives ratées pour des motifs purement techniques, où la désinvolture le dispute à l’incompétence, mais qui donnent du fonctionnement de la démocratie congolaise une assez piètre image. Conséquence : les Congolais se détournent de la politique, se méfient des politiciens et se réfugient dans l’ailleurs – sectes charismatiques, incivisme rampant, stratégies de survie. Pour que Brazzaville retrouve enfin son sourire, il y a urgence à leur redonner le moral, un peu comme on injecte une piqûre de rappel. Nul n’ignore, à commencer par le très expérimenté Denis Sassou Nguesso, que la confiance d’un peuple a deux caractéristiques : elle est indispensable pour gouverner et elle n’est jamais acquise.

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