Mais qu’arrive-t-il donc à El Himma ?

Publié le 13 août 2007 Lecture : 3 minutes.

La nouvelle est tombée dans la soirée du 7 août et a fait sortir les Marocains de leur torpeur estivale : Fouad Ali El Himma (44 ans) a démissionné de ses fonctions de ministre délégué à l’Intérieur, afin, a-t-il expliqué, de « prendre du recul », de se « rapprocher du terrain » et, accessoirement, de se présenter aux législatives du 7 septembre. La décision est en apparence anodine. L’intéressé a déjà été député (des Rhamnas, dans le centre du royaume), et, s’il s’éloigne de son ministère, c’est pour « ne pas être juge et partie ».

Mais son profil et sa place dans la galaxie du Makhzen incitent les Marocains à penser qu’il pourrait s’agir d’autre chose.

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El Himma, qu’on affuble parfois du titre de « vice-roi », a été depuis l’accession au trône de Mohammed VI son plus proche collaborateur. Condisciple du futur monarque au Collège royal, puis son chef de cabinet, il avait auparavant fait un long passage (1986-1995) au ministère de l’Intérieur au temps de Driss Basri. Le poste en retrait qu’il occupe depuis huit ans (secrétaire d’État, puis ministre délégué) cache mal son véritable rôle. À en croire certains analystes, son entrée dans l’arène électorale aura des répercussions politiques sur l’après-7 septembre.

El Himma serait donc en service commandé. Mais pour quelle mission ? Pour le comprendre, il faut sans doute remonter aux élections de septembre 2002, sous le « gouvernement d’alternance » dirigé par Abderrahmane Youssoufi. Le leader socialiste n’avait pas démérité, son parti arrivait en tête et il pouvait à bon droit songer à rempiler. M6 lui préféra Driss Jettou, un sans-parti. Quand le roi l’informa de sa décision, Youssoufi lui fit remarquer qu’elle ne « respectait pas la méthodologie démocratique », mais joua néanmoins le jeu : il aida Jettou à former son gouvernement, puis se retira de la politique. De cet épisode est née une exigence diffuse : la prochaine fois, le Premier ministre serait membre d’un grand parti. Le roi l’ayant laissé entendre, le principe paraissait acquis.

Depuis peu, ambitions et calculs se donnent libre cours. Comme ni Mohamed Elyazghi (USFP) ni Abbas El Fassi (Istiqlal) ni, encore moins, Saad Eddine Othmani (PJD) n’ont la moindre chance de succéder à Jettou dont le départ n’est d’ailleurs pas acquis , on parle du socialiste Fathallah Oualalou ou de l’istiqlalien Tawfik Hjira. Mais ces constructions sont mises à mal par la candidature d’El Himma, qui se présente en indépendant, mais peut parfaitement, une fois élu, rejoindre telle ou telle formation. Or le choix se limite au RNI, fondé par Ahmed Osman, qui vient de prendre sa retraite, et au Mouvement populaire.

En bonne logique, c’est sur ce dernier qu’il pourrait jeter son dévolu. Créé au lendemain de l’indépendance par Mahjoubi Aherdane (86 ans), ce parti à vocation rurale et berbériste a longtemps été affaibli par des scissions à répétition. Il vient de refaire son unité autour d’un secrétaire général, Mohand Laenser (65 ans), et se présente comme un parti d’avenir. Cet aggiornamento pourrait porter ses fruits le 7 septembre et en faire le premier parti du royaume. Laenser, qui est ministre de l’Agriculture dans le gouvernement Jettou, ne cache pas ses ambitions. Il se réclame du centre-droit, estime que « la cohabitation avec la gauche ne va pas de soi » et esquisse une coalition de rechange : avec l’Istiqlal, le RNI et, pourquoi pas, le PJD.

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Les scénarios les plus fous voient le jour. Certains imaginent El Himma lancer une OPA sur le parti gagnant et devenir Premier ministre. Variante plus conforme à la personnalité du PPC (« plus proche collaborateur ») : il serait le numéro deux, une sorte de Premier ministre délégué. Une hypothèse qui ne tient pas la route. Dans l’entourage de l’ancien ministre délégué, on affirme qu’il n’a « aucune ambition politique ni aucun agenda » et n’aspire qu’à « servir là où Sa Majesté le lui dira ». Va-t-il rejoindre un parti ? « Ce n’est pas exclu. »

En attendant, un autre scénario a les faveurs de l’opinion : Fouad Ali El Himma serait bel et bien évincé. Son limogeage est même comparé à celui de Basri, au début du règne. Pas plus crédible pour ceux qui connaissent les protagonistes de cette vraie-fausse affaire. Ce qui est sûr, c’est que M6, en digne héritier de son père, ne s’est pas lié les mains le 7 août. Et qu’il peut faire ce qu’il veut, en toute souveraineté. À suivre.

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