À l’heure des mégaprojets

Le Sénégal et Madagascar se lancent dans de très grosses opérations. Mais avant l’exploitation des sites, la construction de nouvelles infrastructures est nécessaire. Les coûts sont colossaux.

Publié le 10 août 2007 Lecture : 4 minutes.

Le numéro un mondial de l’acier a frappé un grand coup au Sénégal. Deux jours avant l’élection présidentielle reconduisant au pouvoir le président Abdoulaye Wade, ArcelorMittal et Dakar annonçaient la signature d’un protocole pour l’exploitation du gisement de fer situé à Falémé, dans l’extrême sud-est du pays. Le 18 juillet, l’accord de concession pour l’extraction était officiellement présenté. ArcelorMittal compte investir 2,2 milliards de dollars pour aménager le site, mais aussi pour réaliser des infrastructures, dont 750 km de chemin de fer et la construction d’un nouveau port minéralier non loin de Dakar, à Bargny. « Il est prévu que la mine entre en production en 2011. Le projet se déroulera en plusieurs phases pour atteindre, à pleine production, une capacité annuelle comprise entre 15 et 25 millions de tonnes », précise le sidérurgiste. Les réserves totales sont estimées à 750 millions de tonnes. Selon le ministre sénégalais des Mines et de l’Industrie, Madické Niang, ce projet doit créer 4 000 emplois directs et 16 000 indirects.
Pour ArcelorMittal, Falémé doit contribuer à renforcer son autonomie en approvisionnement de minerai de fer afin d’alimenter à moindre coût ses usines sidérurgiques. À ce jour, la multinationale est autosuffisante à hauteur de 45 %. L’objectif est d’atteindre 75 % d’ici à 2014. Mais ce projet est contesté. L’octroi par le gouvernement sénégalais de la licence d’exploitation pour vingt-cinq ans s’est fait au détriment de Kumba Iron Ore (KIO, ex-Kumba Resources), filiale du groupe Anglo American, qui avait déjà signé un accord provisoire d’exploitation en 2004. Mais le peu d’empressement de KIO à financer les infrastructures annexes et les retards pris sur ses engagements l’ont disqualifié.

La nouvelle de l’arrivée d’ArcelorMittal au Sénégal fait suite à l’implantation du groupe indien (avant l’offre publique d’achat sur Arcelor) au Liberia, où un accord sur l’exploitation des ressources de fer avait été signé en 2005. Depuis, ce contrat, vivement critiqué par l’ONG Global Witness, qui l’accusait d’être déséquilibré aux dépens de Monrovia, a été remis à plat par la nouvelle présidente, Ellen Johnson-Sirleaf, élue en novembre 2005. Finalement, le 11 décembre 2006, les deux parties ont trouvé un terrain d’entente. « Cet accord historique apportera au pays des investissements pour un montant de plus de 1 milliard de dollars et devrait générer environ 3 500 emplois directs et quelque 15 000 à 20 000 emplois indirects lorsque l’activité minière sera en pleine production », souligne ArcelorMittal. Les investissements couvrent aussi la construction d’un chemin de fer et d’un port. Au final, il s’agit de relancer l’exploitation minière fermée en 1990, peu de temps après le début de la guerre civile. Lamco, le groupe américano-suédois alors propriétaire de cette concession, avait construit 120 km de chemin de fer reliant la capitale Monrovia au port de Buchanan. Malheureusement, les infrastructures ont été détruites pendant la guerre. Avant le conflit, l’extraction de fer procurait au gouvernement la moitié de ses revenus.

la suite après cette publicité

À l’autre bout du continent, à Madagascar, de grands chantiers voient le jour. Le plus avancé porte sur le gisement de titane – le minerai le plus répandu sur l’île – près de Tolagnaro (ex-Fort-Dauphin). La société Qit Mineral Madagascar (QMM) l’a officiellement lancé en septembre 2005. Ce joint-venture entre l’anglo-australien Rio Tinto (80 %) et Omnis, qui représente l’État malgache, (20 %) prévoit la construction d’installations minières pour un coût estimé à 445 millions de dollars, d’une route et d’un port en eau profonde pour 140 millions de dollars. La première pierre a été posée par le président Marc Ravalomanana le 12 juin 2007. L’exploitation, sur cinquante ans, devrait permettre d’extraire 750 000 tonnes d’ilménite/titane par an, soit le dixième de la production mondiale. Les travaux ont bien avancé et la région de Tolagnaro s’est transformée en un vaste chantier. « Ce projet rapportera à l’État près de 20 millions de dollars américains par an en fiscalité », souligne Guy Larin, directeur général de QMM.

Certes moins avancé, le projet d’exploitation de nickel à Ambatovy, à 120 km de la capitale Antananarivo, est encore plus gigantesque et table sur un investissement de 2,25 milliards de dollars. Pour cette mine à ciel ouvert, le canadien Dynatec (40 % des parts), qui vient d’être racheté en juin dernier par un compatriote Sherritt International, s’est associé au courtier japonais Sumimoto (27,5 %) et au consortium coréen Korea Resources Corporation (27,5 %). Ce dernier s’est engagé à acheter la moitié de la production trimestrielle, jusqu’à concurrence de 7 500 tonnes, pendant les quinze premières années d’exploitation. Sur une durée de vingt-sept ans, la production annuelle devrait atteindre 60 000 tonnes de nickel, 5 600 tonnes de cobalt et rapportera à l’État 100 millions de dollars par an. Les travaux d’infrastructures à prévoir sont à la mesure du projet, avec notamment la construction d’un pipeline de 220 km pour le transport des boues de latérite jusqu’à Toamasina (ex-Tamatave) sur la côte est, d’une usine de traitement du minerai et l’extension du port de Toamasina. Les appels d’offres pour bâtir ces infrastructures devraient être lancés fin 2007. L’exploitation, dont le démarrage est prévu pour 2010, représentera entre 5 % et 10 % de la production mondiale et générera près de 9 000 emplois, dont 1 500 directs.
Les sommes investies sont donc faramineuses et les pays attendent beaucoup en termes d’emplois et de recettes budgétaires. De nombreux écueils sont malgré tout à éviter. Les conséquences sur l’environnement doivent être évaluées puis maîtrisées. À défaut, les populations locales risquent d’être davantage victimes que bénéficiaires. L’impact économique peut également être à double tranchant. Si les investissements colossaux apportent de l’activité, ils modifient durablement les modes de vie. Ainsi, à Tolagnaro, les prix des loyers ont déjà augmenté de 32 % sous l’effet de l’afflux d’expatriés, poussant une partie des habitants à quitter leur ville.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires